Author: Sudre P.F.  

Tags: musique  

Text
                    LANGUE MUSICALE
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Par F. SUDRE,
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PAR L’INSTITUT ROYAL DE FRANCE
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CONCERNANT
LES APPLICATIONS DE CETTE NOUVELLE SCIENCE

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RAPPORTS SUR ' LA LANGUE MUSICALE, / INVENTÉE Par M. F. SUDRE, h î APPROUVÉE PAR L’INSTITUT ROYAL DE FRANCE, ET DE LA PRESSE FRANÇAISE , BELGE ET ANGLAISE, SUR LES DIFFÉRENTES APPLICATIONS DE CETTE SCIENCE» ie Rapport fait à F Academie royale des Beaux-Arts, publie dans le Moniteur Universel du 16 novembre 1828, page 3 ; 20 Rapport fait M. le Ministre de la guerre, par une commission d’officiers generaux et supérieurs, inséré dans la lie vue Musicale du 4 sep- tembre 183o, page 8 ; 3° Rapport fait à M. le Ministre de la marine, par une commission d’officiers de marine distingués , inséré dans la Itevue Musicale du 4 septembre i83o, page 9; 4° Rapport fait h l’institut royal de France, au nom de cinq Académies, sur les améliorations et perfectionnemens que Fauteur a apportés à sa Mé- thode, publié dans le Moniteur Universel du 11 mars i835, page 18. Nota. Voyez ci-joint le nom des membres des différentes commissions.
C Control Number , NOM DES MEMBRES DES DIFFÉRENTES COMMISSIONS QUI ONT EXAMINÉ ET APPROUVÉ LE SYSTEME DE M. SUDRE, Soit pour communiquer de près, soit pour transmettre les idées rapidement au loin. COMMISSION nommée par FAcadémie royale des Beaux-Arts. COMMISSION nommée par le Ministre de la Guerre. COMMISSION nommée par le Ministre de la Marine. COMMISSION nommée par l’institut royal de France, relativement aux perfectionnemens et aux améliorations que M. Sudre a apportés à sa Méthode. MM. Arago , De Prony, Baron Fourier , Raoul-Rochette , Chérubini , Lesueur, Berton, Catel , Boieldieu. MM. Bon Després , présid1, Comte de Durfort, Baron Corda , Baron Marbot , Chevalier Nempde , Boa Balthazar D’Arcy. Nota. Ces six noms de gé- néraux représentaient toutes les armes, c’est-à-dire l’iw- fanterie, la cavalerie, Y artille- rie, le génie et V état-major. MM. Gallois , président, Bezard , Baudin , Lombart , Lachaise , Moessart , R IC AUD Y , Durbec. MM. De Prony, De Freycinet , Tissot, Comte de Laborde , Raoul-Rochette , Edwards, Chérubini , ( Lesueur, Berton, Boieldieu , Auber, i Paer.
OPINION DE LA PRESSE FRANÇAISE (i). LE MONITEUR UNIVERSEL, Dimanche 16 Novembre 1828. INSTITUT ROYAL DE FRANCE. ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS. RAPPORT SUR LA LANGUE MUSICALE INVENTÉE Par M. F. SUDRE. Messieurs, Dans votre séance du 26 janvier dernier, vous avez entendu M. Sudre. U a eu l’honneur de vous développer le système de sa langue musicale, de la parler sur son violon, de l’écrire avec des signes musicaux, et d’en faire faire la traduction spontanée par son élève , le jeune Deldevez, âgé de onze ans. Plusieurs expériences ont été réitérées devant vous ; toutes ont réussi. L’enfant a toujours traduit ce qui lui était transmis musicalement par M. Sudre, et cette traduction a toujours été conforme à ce que plusieurs d’entre vous avaient dicté. L’Académie a désiré que sa section de musique fit un rapport sur l’ouvrage de M. Sudre. V otre section a pensé qu’il lui se- — "------------ -.....- ............. (i) Parmi tant d’articles publiés à Paris comme en province, en Belgique comme eu Angleterre, l’auteur cite ceux qui lui sont tombe's entre les mains.
— 4 *— rait utile, en ce cas, de prier plusieurs membres des différentes Académies dont se compose l’institut, de vouloir bien, pour cet examen, se réunir à elle et l’aider de leurs lumières. Notre proposition a été accueillie, et nous nous sommes réunis le lundi, 18 de ce mois, dans une des salles de l’institut. Cette commission , dont les membres étaient MAI. de Prony, Arago, le baron Fourier, Raoul-Rochette , Cherubini, Lesueur, Rer- ton, Catel et Roieldieu, après avoir pris connaissance de tous les procédés inventés par Al. Sudre, pour la formation de sa langue musicale, et après plusieurs expériences faites et réité- rées devant elle, a reconnu que l’auteur avait parfaitement atteint le but qu’il s’était proposé, celui de créer une véritable langue musicale. La commission a donc pensé, qu’offrir aux hommes un nouveau moyen de se communiquer leurs idées, de se les transmettre à des distances éloignées, et dans Vobscurité la plus profonde, était un véritable service rendu à la société , et que surtout dans l’art de la guerre, l’emploi de ce langage pour- rait en certains cas devenir très-utile, et servir de télégraphe noc- turne , dans les circonstances où souvent les corps militaires ne peuvent se communiquer les ordres nécessaires à l’exécution de tels ou tels mouvemens. Les instrumens à vent seraient presque tous propres à l’emploi de ce moyen, surtout la petite clari- nette , et il n’est pas de musique militaire qui n’en possède une. Il n’est pas non plus d’état-major, surtout en France, dans lequel on ne rencontre un officier sachant la musique, et puis- qu’il nous est démontré qu’en huit ou dix leçons , lorsque l’on est musicien, on peut parler et écrire la langue de AI. Sudre , et la traduire , ainsique l’a fait devant nous le jeune Deldevez, nous sommes autorisés à croire que ce télégraphe musical pour- rait s’employer facilement et utilement dans nos camps. L’offi- cier recevrait l’ordre de son général, le traduirait musicalement et le ferait transmettre d’une rive ou d’un camp à un autre , par l’un des musiciens de son corps. Cette expérience a été faite l’été dernier, à minuit, du pont des Arts au pont Royal, et elle a parfaitement réussi. Nous croyons devoir aussi faire remarquer à TAcadémie que nous sommes assurés qu’il sera très-facile, par le moyen de la transposition musicale, d’obte- nir des variétés de transmission de ce langage, semblables à celles qui sont en usage dans les correspondances diploma- tiques, par chiffres et autres signes, et de manière à prévenir les inconvéniens qui résulteraient de cette transmission donnée en signes dont tout le monde aurait l’intelligence. La commission croit aussi que ce nouveau moyen de com- munication de la pensée peut offrir, dans d’autres circonstances de la vie, de grands avantages, et que le système de M. Sudre
ï—• 5 renferme en lui tous les germes d’une découverte ingénieuse et utile. Nous avons donc l’honneur de vous proposer, Messieurs, d’accorder votre approbation à notre rapport. Signé , de Pronv , Arago , membres de VAcadémie des sciences. Le baron Fourier, de fAcadémie française: Raoul-Rochette , de l’Académie des inscriptions et belles lettres ; Chérubini , Lesueur , Berton , Catel , Boieldieu , membres de VAcadémie des beaux-arts • H. Berton , rapporteur. (L’Académie adopte les conclusions du rapport.) Nous devons, après avoir publié ce rapport, annoncer qu’en vertu d’une autorisation spéciale , diverses expériences du pro- cédé de M. Sudre ont été faites en présence de plusieurs offi- ciers généraux et supérieurs, et que les moyens de rendre ce procédé utile dans son application sont en ce moment étudiés avec soin. Quant à nous, il nous sera permis de faire connaître une circonstance qui nous est particulière , et qui nous a prouvé la sûreté du procédé quant à la transmission du langage ordinaire par sa traduction en langage musical. M. Sudre s’est présenté au bureau du Moniteur, accompagné du célèbre compositeur dont on vient de lire le rapport à l’in- stitut, et du jeune Deldevez. M. Sudre a désiré donner au ré- dacteur une idée précise de son procédé. Le jeune Deldevez a été placé dans un cabinet voisin : le rédacteur a écrit ces mots : Attaquez par la droite. M. Sudre a donné sur un violon l’accord parfait d’uZ; puis , après un court intervalle , il a fait entendre diverses notes dénuées entre elles de liaison musicale ; l’enfant a traduit ces notes par le mot attaquez; puis, à des signes musi- caux successifs donnés par le violon, il a dit, par la droite. La traduction était donc exacte et complète ; de nombreuses épreu- ves n’auraient pas prouvé davantage ; celle-ci a dû suffire pour établir que M. Sudre a trouvé un moyen ingénieux de désigner par une des notes de la gamme , une ou plusieurs lettres de l’alphabet, et de convertir la succession de ces notes en une phrase grammaticale. Nous l’engageons à poursuivre l’applica- tion de son télégraphe musical, par des expériences variées ; à établir les distances auxquelles le son du clairon peut parvenir; à trouver le moyen de changer à volonté de clef et de chiffre , et à garantir l’exactitude des transmissions par celle des ré-
ponses. Ces divers problèmes doivent être résolus pour rendre utile, sans être dangereuse, l’application du procédé, etM. Sudre paraît certain de triompher des difficultés qu’il présente (1). FIGARO. 18 Novembre 1828. DE LA LANGUE MUSICALE, INVENTÉE PAR M. SUDRE. Nous vivons dans un temps où rien de ce qui intéresse les progrès de la science ne peut être indifférent pour le public ; l’amour de l’instruction et le goût des beaux-arts sont répan- dus dans toutes les classes de la société ; et s’il est une étude qui ait un attrait plus général, c’est certainement celle de la musique. U n’est donc pas étonnant que, parmi tant de personnes qui s’occupent de cet art sublime , il se soit trouvé un artiste qui ait cherché, dans les combinaisons des sons, les moyens de sup- pléer par les instrumens à la parole. Mais créer cette nou- velle langue , lui donner la clarté et la précision , la rendre surtout universelle, était une entreprise qui présentait de grandes difficultés à résoudre. L’Institut, en déclarant que M. Sudre avait parfaitement atteint le but qu’il s’était proposé, ne permet pas de douter qu’il lie les ait vaincues , et que sa Langue musicale n’ait tous les caractères que nous venons de retracer. La découverte de M. Sudre a déjà donné lieu à beaucoup d’articles de journaux ; elle a même été l’objet de quelques réclamations qui tendaient à lui contester le mérite de l’inven- tion ; mais les différentes combinaisons pour lesquelles on a réclamé la priorité ne nous paraissent approcher en rien de l’œuvre delVl. Sudrè. L’usage des notes musicales pour une correspondance secrète n’est pas plus une nouveauté que l’emploi des chiffres dans la diplomatie , ou celui des lettres pour remplacer les chiffres (1) Voyez le deuxième rapport fait en 1833 , au nom des cinq academies qui composent l’institut royal de France , sur les améliorations et les perfee- tionnemens que l’auteur a apportés à sa Méthode.
-- — 7 — dans les magasins de nos marchands, et la gloire de l’invention restera tout entière à M. Sudre , tant qu’on ne prouvera pas que le résultat auquel il était parvenu avait été atteint avant lui, par le même moyen ou par d’autres. Les savans célèbres qui ont examiné les procédés de l’au- teur, et au nombre desquels nous remarquons les de Prony, les Arago , lesLesueur , les Berton et les Boïeldieu , donnent à M. Sudre de justes et beaux éloges ; mais le suffrage de ces grands talens a-t-il satisfait entièrement à l’ambition de l’in- venteur , et le fruit de ses veilles doit-il rester enterré dans les cartons de l’institut? Nous ne le pensons pas ; aussi l’en- gageons-nous vivement à presser la publication de ses procé- dés, qui, comme dans toute entreprise scientifique, ont be- soin de la sanction du temps, à laquelle la pratique seule peut conduire. REVUE MUSICALE. 4 Septembre i83o. LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. L’on se souvient sans doute de quelques détails que nous avons donnés sur la langue musicale découverte par M. Sudre, dans les volumes précédons de la Revue musicale. Cette langue, destinée principalement à établir entre les divers corps d’une armée, ou entre les bâtimens d’une flotte, des communications infiniment plus rapides que celles qui peuvent résulter des moyens ordinaires, n’avait point été d’abord portée par son auteur à la perfection dont elle était susceptible ; mais, par une persévérance très-louable, M. Sudre ne s’est point arrêté dans ses recherches qu’il n’eût résolu tous les problèmes, vaincu toutes les difficultés; des pièces authentiques que nous citerons totit-à-l’heure démontrent qu’il est enfin arrivé au terme de ses travaux, et qu’il a enrichi l’art musical d’une véritable té- léphonie. La possibilité de communiquer des idées ou des faits par des sons diversement combinés a occupé plusieurs personnes depuis environ un siècle ; niais le résultat des recherches faites à ce sujet n’avait jamais été conforme aux théories, et l’on avait été forcé de renoncer à la solution de difficultés qui pa- raissaient insurmontables. M. Sudre a été plus heureux ou
— 8 — mieux avisé que ses prédécesseurs. Le mécanisme de sa langue musicale est resté son secret ; quant aux formes extérieures, elles consistent en sons isolés ou accouplés, qui se transmettent de proche en proche au moyen d’un certain nombre de clairons; en sorte qu’il en résulte un moyen de communication assez semblable à celui du télégraphe , et d’une rapidité presque égale à celui-ci ; mais la langue musicale a sur le télégraphe l'avantage de pouvoir être mise en usage partout, dans les lieux escarpés , en pleine mer, entre les positions de terre et de mer, et de plus, de pouvoir être toujours à la portée des généraux ou des capitaines de vaisseau. Nous croyons ne pouvoirmieux faire connaître l’utilité de la découverte de M. Sudre qu’en rappelant ici des extraits de rapports qui ont été faits au mi- nistre de la guerre par une commission composée d’officiers généraux, et au ministre delà marine par une autre commission choisie parmi des officiers de marine distingués. Extrait et conclusions du rapport fait au ministre de la guerre sur la langue musicale appliquée a l’art militaire. La commission pense qu’on peut employer avec avantage la langue musicale pour faire correspondre les troupes d’une même armée que séparerait un large fleuve , un vallon, dont les berges sont inaccessibles , ou qui occuperait divers points d’une position stable et étendue, comme aussi pour établir des communications promptes entre une armée et l’avant-garde qui la précède , ou l’arrière-garde qui couvre sa retraite. On pourrait aussi s’en servir utilement pour diriger les tra- vaux des pontonniers jetant un pont sur une rivière large et rapide. Dans plusieurs circonstances célèbres de nos annales mili- taires, le langage musical aurait été fort utile à nos armées. Par exemple : à la bataille d’EssLLiNG , après la rupture de nos ponts sur le Danube, l’état-major-général, placé dans l’île de Lobau , se trouva pendant plusieurs heures dans l’impossi- bilité de donner aux corps d’armée restés sur la rive droite les ordres nécessaires pour l’envoi immédiat d’une division à Vienne, dont on craignait que la population ne se révoltât. Au combat de Bussaco ( en Portugal ) , l’attaque faite par nos troupes eut un fâcheux résultat, parce qu’une division ar- rêtée dans sa marche par une large coupure ne put sur-le- champ en prévenir les autres séparées d’elles par les anfrac- tuosités d’une montagne, et dont elle entendait cependant les instrumens militaires. Ce fut encore la difficulté de promptes communications di-
9 rectes dans un pays montueux qui fit manquer l’attaque de nos troupes à Forroren ( en Espagne ), lorsqu’on 1813 l’armée française marcha sur Pampelune pour débloquer cette place investie par les Anglais. En résumé, la commission pense que dans des circonstances de guerre on pourrait faire un heureux emploi de la méthode de M. Sudre; ce qui suffit pour appeler la bienveillance du gouvernement sur l’inventeur. Signé, comme membres de cette commission ; MM. Baron Després, lieutenant-général, président. Comte de Durfort , général d’état-major. Baron Corda , général d’artillerie. Baron Mar bot , général de cavalerie. Chevalier Nempde, général du génie. Baron Balthazard’Arcy, général d’infanterie. Baron Marbot , rapporteur. Extrait et conclusions du rapport fait au ministre de la marine sur la langue musicale appliquée aux signaux de la marine. Après une série d’épreuves faites à différens jours, dans la rade de Toulon, et dans des circonstances atmosphériques plus ou moins favorables, la commission s’est assurée de la rapidité avec laquelle les ordres peuvent être communiqués par le moyen de la Téléphonie , à une distance qui peut s’entendre à 2,200 toises. Par exemple, deux minutes ont suffi pour faire parvenir du point de départ au point d’arrivée , éloignés l’un de l’autre de 1,500 toises, trois ordres pris dans le livre des signaux.^ Les épreuves faites sous voiles ont servi à justifier le premier jugement de la commission : elle a remarqué en outre qu’il fallait que le vent eût beaucoup d’intensité , pour qu’un ami- ral placé au centre de son escadre ne pût pas correspondre avec chaque vaisseau en particulier, puisqu’il pourrait faire parve- nir ses ordres par les bâtimens intermédiaires. Elle ajoute que ce moyen de communication est encore ex- cellent pour correspondre pendant la nuit, et en présence d’un ennemi auquel on veut échapper ou qu’on veut surprendre , sans employer les signaux faits avec des feux , qui peuvent compromettre l’armée et divulguer sa position. Mais ce qui surtout n’a pas échappé à son attention , c’est l’avantage que pourrait retirer la marine de la méthode télé- phonique, lorsque ses opérations, en temps de guerre, se lient aux mouvemens stratégiques de l’armée de terre. Elle pense aussi qu’en employant la Téléphonie dans les si-
gnaux de brume, on étendrait beaucoup la série des ordres à donner. La commission termine son rapport en disant : Qu’elle est d’avis unanime que ce procédé offre un auxiliaire puissant aux moyens employés aujourd’hui sur nos escadres pour faciliter la transmission des ordres ; qu’il doit être pris en grande considération ; qu’on doit s’empresser de l’adopter , en le soumettant préalablement à une commission qui sera chargée d’indiquer les moyens de l’approprier au service de la marine. Cette commission était ainsi composée : MM. Gallois, capitaine de vaisseau, président rapporteur. Bezard, capitaine de frégate. Baudin , Lombart et Lachaise, [ lieutenans de vaisseau. Moessart, ingénieur de la marine royale. Ricaudy , sous-commissaire de la marine royale. Dur bec , capitaine d’artillerie de la marine. Il résulte évidemment des pièces qu’on vient de lire, que la langue musicale de M. Sudre n’est point une de ces inven- tions imparfaites dont on parle un instant pour les oubliei- bientôt, et qu’elle mérite d’être classée parmi les découvertes utiles. ( Note du Rédacteur. ) LE MESSAGER DES CHAMBRES. 23 Juillet i833. M. Sudre, inventeur de la langue musicale, dont l’utile application à l’art de la guerre, ainsi qu’au service de la ma- rine, fut constatée par des rapports faits aux ministres de ces deux départemens, vient de donner le plus grand développe- ment à son ingénieuse invention , en l’appliquant à toutes les langues en général. Après trois ans de recherches, de travaux et de persévérance, ce savant et habile musicien serait parvenu , dit-on, à résou- dre le problème que tous les philosophes avaient vainement tenté jusqu’à ce jour, celui de créer une langue universelle au moyen des signes de la musique. Il a fait hier, à l’Académie royale des beaux-arts, des expé- riences à ce sujet, et toutes ont parfaitement réussi. Plusieurs membres des autres Académies, parmi lesquels on remarquait MM. Delaborde , Tissot, Raoul-Rochette, etc. ,
11 --- qui assistaient à cette intéressante séance , ont prié M. Sudre de transmettre à son élève, que l’on avait placé dans une'pièce voisine, des mots pris dans les dictionnaires des langues qui font partie de cet immense travail, et tous ont été fidèlement traduits en français. lien a été de même de plusieurs phrases, qui, transmises musicalement par M. Sudre, ont été, de même et à l’instant, traduites par son élève dans les diverses langues, et toujours avec le même succès. L’Académie, qui avait écouté avec une attention toute par- ticulière l’exposé que M. Sudre avait fait de sa découverte et de son application , a paru infiniment satisfaite de ses résul- tats, et a nommé aussitôt une commission composée de mem- bres des différentes Académies dont se compose l’institut, afin d’examiner dans tous ses détails un système qui déjà fait le plus grand honneur à celui qui l’a créé, et qui intéresse en même temps la civilisation européenne. LA QUOTIDIENNE. Mardi 24 Juin i834- DE LA LANGUE MUSICALE INVENTÉE PAR M. SUDRE. Je m’étais figuré bien autre chose, quand on me parla pour la première fois de l’invention de M. Sudre. Je n’avais jamais pu envisager un essai de ce genre que comme une sorte de plai- santerie ; au théâtre et dans les romans, j’avais vu des amans correspondre en dépit de tuteurs et de jaloux , tantôt sur l’air d’une romance , tantôt par le refrain d’une ariette. Ceci était une affaire de convention. Je pensais que M. Sudre n’agissait pas autrement ; je croyais qu’il exprimait une pensée, mais ja- mais une phrase, jamais un mot, et quand on m’annonça la visite de ce savant, je m’attendais à être inondé de torrents d’harmonie ; j’invitai des amateurs de musique. Le bruit se répandit que je donnais un concert. M. Sudre arriva avec son violon et deux élèves. L’un de ces élèves portait un clairon. Mes amis se regardèrent ; c’était la première fois qu’ils entrevoyaient la possibilité d’un duo entre un violon et un clairon , et en attendant que quelques retar- dataires fussent arrivés, je causai avec M. Sudre qui, dès les
12 — premiers mots, m’inspira une confiance que Jetaient seul, for de lui-même et de sa supériorité intime, a le pouvoir de faire naître. Avec sa parole méridionale, son regard et son geste; qui expriment si énergiquement la conviction profonde de cet homme, qui a passé vingt ans de sa vie à créer une langue qui ne laisse rien à désirer, quand des peuples entiers, après des siècles, manquent de termes et d’expressions, il me dit tout ce qu’il avait souffert de déceptions et de découragemens malgré les expériences les plus multipliées et les plus satisfaisantes. Et je le compris : il y a non seulement de la froideur chez les hommes appelés à juger du génie des autres hommes, mais plus souvent encore de l’envie : sentiment honteux et misérable qui se retrouve au plus haut comme au plus bas degré de l’é- chelle sociale, dans tous les rangs, dans toutes les professions. M. Sudre a toujours eu l’intention d’appliquer son système musical de Téléphonie aux communications des corps d’année, en guerre comme en paix. Cette langue miraculeuse qu’il a trouvée sur son violon, avec toutes les notes connues , modi- fiées selon le nombre des lettres de l’alphabet ordinaire, il a fallu qu’il lapliât, qu’il l’a réduisît, en quelque sorte, à la plus simple expression, sans lui rien retirer de sa facilité et de sa richesse , lorsqu’il a voulu la faire répéter par le clairon, qui n’a que trois notes, ce que son violon n’exprimait déjà qu’à force d’art et de science. Et M. Sudre est parvenu à son but. Des expériences furent faites au Champ-de-Mars, sous le mi- nistère de M. de Caux, en présence de divers officiers-généraux dont j’ai lu les rapports, et M. Sudre reçut des éloges sincères, des encouragemens dont il eut le droit d’être fier, parce qu’ils étaient bien mérités. De l’Ecole-Militaire au fond du Champ- de-Mars deux clairons s’envoyaient des ordres et là bas un of- ficier écrivait ces ordres que lui traduisait l’élève de M. Sudre, et cette transcription , rapportée à l’officier qui commandait de l’Ecole , se trouvait parfaitement exacte et conforme. Ainsi, supposez deux bataillons coupés par une ou plusieurs compagnies ennemies ; il s’agit de tourner ces compagnies, de prendre une autre direction pour regagner les bois ou le plus prochain village : l’élève clairon du premier bataillon jette au vent le signal de correspondance, et son camarade du 2e ba- taillon répond qu’il est attentif. Alors les ordres sont échangés, et la manœuvre s’exécute, sans que l’ennemi s’en doute , sans qu’il ait pu saisir un simple soupçon du commandement. Remarquez que les élèves-clairons que forme M. Sudre ne demandent pas plus de douze leçons pour être capables de cor- respondre exactement et de ne jamais donner de fausses notes. De plus, et ce n’est pas là le moindre avantage, l’élève clairon
—— 13 — écrit en signes cé qu’il vient d’entendre et de répéter, et il n’a pas la clef de ces signes : c’est un ou deux officiers qui seuls ont cette clef ; l’élève clairon est absolument un de ces hommes employés à tirer les fils du télégraphe qui font mouvoir un empire, sans se douter de l’importance du plus ou moins de mouvement des grands hras de la machine. L’élève clairon peut remplacer même un télégraphe. Je re- viendrai tout à l’heure sur ce point, mais je veux avant vous dire les expériences dont j’ai été le témoin, et vous laisser à ju- ger si elles ne tiennent pas du prodige. Nous étions dans une pièce avec M. Sudre : il fit retirer ses élèves dans une autre pièce et nous pria d’écrire quelques mots qu’il transmettrait immédiatement, et que ses élèves vien- draient traduire aussitôt. J’écrivis ce mot : victoire ! Et je m’attendais, je 1 avoue, sinon à une fanfare, au moins à des notes éclatantes, qui auraient la couleur de ma pensée. J’entendis quelques sons, d’une insignifiance musicale absolue, après lesquels l’élève entr’ouvrit la porte qui nous séparait, et nous jeta tranquillement : victoire! Ce premier succès nous rendit plus exigeans. Cette phrase entière fut proposée : Les insurgés vont être cernés !... M. Sudre répéta la phrase en musique, et son élève ne fit pas attendre davantage sa traduction. Nous nous regardions sans prononcer une parole, et notre stupéfaction ne paraissait nullement sur- prendre le savant : un secret qu’on a mis vingt ans à établir ne doit pas se deviner en trois secondes. La langue musicale a cela de particulier, qu’elle peut ex- primer tous les idiomes connus; M. Sudre nous demanda des phrases anglaises, allemandes , espagnoles, italiennes, arabes, chinoises, à notre gré. Le plus savant de nous formula à grand peine les trois mots anglais : T'Kill you speak ? Et l’élève de M. Sudre ne fut pas plus long à nous redire de l’anglais, que M. Sudre lui-même à l’exprimer musicalement. J’avoue que c’est le seul quart-d’heure de ma vie où j’ai vi- vement regretté de ne savoir ni l’arabe ni le chinois. A son tour, un des élèves prit le clairon et vint avec nous ; son camarade resta seul dans l’autre pièce. Cet élève donna plusieurs oixlres formulés par nous et répétés par son camarade avec la plus grande exactitude. Mais jusque-là, nous n’avions pas pensé à proposer d’autres mots que les mots ordinaires ; il nous vint à l’esprit de choisir les plus difficiles, ainsi, par exem- ple, de véritables abstractions ; philosophiquement, inquisition , et le clairon redit ces mots. Il eût tout aussi gaillardement ré- duit un problème d’algèbre.
MM l*f ***** Mais M. Sudre n’inventa pas son système pour étonner les esprits par des tours de force qui ressemblent à de la magie ; son but fut tout autre. Le désir extrême d’être utile à son pays, et d’apporter surtout dans le service militaire une amé- lioration immense, fut le mobile de cette volonté de fer du génie qui a étudié pendant de si longues années, qui a lutté contre tant d’obstacles physiques et moraux, et qui enfin est sorti victorieux de ce combat si souvent désespéré. Je comparais tout-à-l’heure les élèves clairons aux employés des télégraphes, et, en effet, la Téléphonie est une autre sorte de télégraphie. M. Sudre obvie à tous les inconvéniens : de distance en dis- tance il place des élèves clairons dans une ligne rompue. Les ordres sont constamment donnés et reçus, et le télégraphe, après les avoir traduits en signes, les porte jusqu’à la capitale sans perte de temps, et avec le même secret pour ceux qui se- raient intéressés à pénétrer le mystère de ces officielles commu- nications. On a beaucoup parlé des télégraphes de nuit, et les essais qu’on en a fait jusqu’ici ont présenté de grandes difficultés. La Téléphonie offre les mêmes avantages, et ne présente aucun des obstacles qu’on a rencontrés pour le premier genre de trans- mission d’ordres ou de nouvelles. Par la nuit la plus obscure, en temps de neige, de brouillard ou de pluie, les clairons se font toujours entendre : ils parlent toujours à l’oreille qui saisit bien plus facilement les sons que les yeux ne peuvent analyser les signes, surtout quand la plus légère brume vient à tomber entre deux télégraphes à lan- ternes. Les clairons de M. Sudre peuvent rendre d’immenses services aux cordons sanitaires, aux camps d’observation. C’est sur ce point principalement qu’ont appuyé les diverses commissions d’officiers-généraux nommés pour examiner ce miraculeux système. La marine, qui n’a que le porte-voix pour transmettre ses ordres, gagnerait beaucoup aussi à cette innovation dans son service. On connaît la confusion inévitable d’un combat naval ; lorsque deux escadres se mêlent, que les pavillons opposés sont confondus à l’œil, que le vaisseau amiral se trouve séparé de ses satellites, et que la canonnade gronde par tous les sabords, le porte-voix devient impuissant. C’est miracle si les manœu- vres peuvent être opérées d’une manière générale et simulta- née. Chaque bâtiment agit pour son propre compte, obligé souvent de ne plus s’inquiéter du reste de la flotte. Placez au contraire des élèves clairons sur chaque barque pontée, et les
=3 ordres se transmettront presque sans interruption, ou au moins cette transmission sera-t-elle cent fois plus active et plus salu- taire que celle du porte-voix. Il faut dire , à l’appui de cette observation, que M. Sudre travaille en ce moment à perfectionner un clairon-modèle qui aurait une portée de sons bien plus étendue que le clairon ordinaire. L’ingénieuse persévérance de ce savant doit nous faire croire que ses nouveaux efforts auront un heureux ré- sultat. Et remarquez que cette langue trouvée par cet homme qui ne rêve que le bien de son pays n’a pas une seule clef, et qu’on ne doit pas craindre de surprise de la part de l’ennemi. La clef de la langue musicale peut être changée chaque semaine : avec un grand travail, elle pourrait l’être chaque jour; mais ce serait là un soin trop scrupuleux et inutile. D’ailleurs, il faudrait des années pour démêler ce mystère que M. Sudre mit vingt ans à s’approprier. J’avais cru, comme beaucoup d’autres, que l’alphabet de la langue musicale pou- vait se faire pai’ les notes simplement, en employant les diffé- rentes octaves et diézant ou bémolisant selon la nécessité des doubles voyelles et consonnes, (œ. w. ) M. Sudre m’a facilement démontré la puérilité de cette sup- position. D’abord, le clairon n’a que trois notes , et ensuite l’exécution même que j’ai entendue m’a convaincu de mon er- reur ; M. Sudre et ses élèves ne changent presque jamais de ton. J’ai eu aussi les signes sous les yeux ; chaque mot de notre vocabulaire peut s’écrire sur une portée de quatre ou trois lignes à volonté. C’est à dérouter les plus fins et les plus incré- dules. Un Allemand , dont on me pardonnera d’avoir perdu le nom, avait le premier imaginé une langue musicale, telle que celle que j’avais supposée. Mais tout le monde pouvant com- prendre cette langue et s’en rendre raison, son utilité était nulle, et la langue et son auteur sont à présent complètement oubliés. Quant à M. Sudre, il n’en sera pas ainsi, etc., etc......
— 16 VERT-VERT, Mardi 27 Janvier i835. TÉLÉGRAPHE MUSICAL. La musique est en route pour ne plus s’arrêter ; c’est une langue nouvelle que tout le monde veut connaître, que M. Berlioz professe et que M. Sudre démontre. Dans dix ans , tous les enfans de vingt ans , qui en auront trente alors , connaîtront l’abécédaire de M. Sudre et auront fait leurs humanités avec M. Berlioz ; un dilettante de quarante ans commandera son dîner en mi bémol et contera son amour à son de trompe. M. Berlioz, comme chacun sait, comme Arnal l’a prouvé aux derniers bals de l’Opéra , fait ses affaires à la Bourse avec un violon sous le bras ; un agent de change vient jouer à la hausse et à la baisse avec un orchestre dans sa poche ; un agio- teur' demande du trois pour cent au Clair de la lune et du cinq avec la grosse caisse -, c’est-à-dire qu’au temple de la Bourse il se fait beaucoup plus de bruit que de besogne. Quoi qu’on en ait dit, quoi qu’en disent, pour cacher leur jeu , Rossini et Bellini, les plus grands agioteurs du monde , c’est assurément fort bien imaginé , nous aurons deux bourses au lieu d’une, l’Opéra et le Théâtre italien; Lahlache, Tambourini, Rubini, MlleGrisi et Mme Damoreau sont des agens de change qui feront mer- veilleusement leurs affaires et les nôtres; on jouera des ouver- tures comme on jouait à la rente, et la fugue remplacera la faillite. Mais avant de passer maître, il faut avoir été écolier, et M. Sudre se charge de notre éducation musicale et financière: il enseigne le solfège et la tenue des livres. Nous doutions de cette surprenante méthode, comme tout homme raisonnable doit douter des miracles ; le doute ne nous est plus permis. Pour la seconde fois nous avons vu et entendu M. Sudre avant-hier, dans la salle du conservatoire, et il n’y a pas de raison pour qu’avant un an M. Panseron n’ait ruiné Rotschild. Nous avons vu fonctionner le télégraphe de M. Sudre, et nous prédisons la ruine de tous les télégraphes de jour et de nuit. Toutes les notes diplomatiques vont être traduites en notes de musiques, ce qui doit insensiblement nous conduire à la paix universelle, mettre tous les peuples d’accord, et rétablir la bonne harmonie dans le monde telle que Dieu la faite.
Chanter faux sera désormais un péché capital comme le mensonge , et un crime de lèse-nation comme le parjure. Moi qui crois à la sagesse des nations, moi qui crois à l’in- faillibilité de l’esprit populaire, je savais bien qu’il y avait un sens caché dans cette phrase empruntée au vocabulaire de l’ar- mée : le canon n’est qu’une clarinette ; c’est l’instrument obligé de toutes les ouvertures de paix que nous ferons à l’avenir ; c’est le diapason qui doit nous mettre d’accord avec l’Europe. LE MONITEUR UNIVERSEL. Mercredi 11 Mars 1835. LANGUE MUSICALE INVENTÉE PAR F. SUDRE. Si le génie consiste à concevoir une idée neuve , grande et utile , à en saisir tout d’un coup la portée, à la poursuivre sans se laisser rebuter par les obstacles, à la développer, à la pous- ser enfin au plus haut point de perfection qu’elle puisse attein- dre, nous ne dirons pas que M. Sudre est un homme de génie, de peur de blesser sa modestie; mais nous dirons qu’il est doué d’un mérite inventeur très-remarquable. Tout le monde sait que depuis 1828, époque du premier rapport fait à l'Académie royale des beaux-arts , que nous avons publié dans notre nu- méro du 16 novembre même année, cet artiste distingué s’est constamment occupé à étendre et à perfectionner les différentes applications de sa méthode , comme le prouve le rapport dont nous allons faire connaître l’extrait et les conclusions. Mais nous ne pouvons passer sous silence les diverses expériences aux- quelles nous avons assisté le 22 de ce mois à l’Athénée central, et qui ont excité dans tout l’auditoire une admiration fondée, et d’autant plus flatteuse pour M. Sudre , que cette réunion se composait principalement d’hommes éclairés et dignes de l’ap- précier. Le système de M. Sudre consiste à exprimer toutes les pen- sées possibles, meme les plus abstraites, au moyen des sept notes de la musique, et 1 on conçoit facilement tout le parti qu’on peut tirer d’un tel procédé, surtout dans le cas où il est impossible de communiquer par écrit ou de vive voix : c’est particulièrement sur les champs de bataille, dans les défilés et
— 18 — les montagnes ; de la rive d’un fleuve à l’autre, en pleine mer, entre les positions de terre et de mer, dans l’obscurité de la nuit, comme pour transmettre des ordres à droite , à gauche , à l’avant-garde comme à l’arrière-garde, que l’application peut en être faite avec un succès complet et indubitable. Ce n’est pas tout: M. Sudre ne s’est pas contenté de perfec- tionner son système sous le rapport de l’utilité militaire ; mais d’autres applications non moins ingénieuses , non moins inté- ressantes, doivent lui mériter les éloges des amis de l’humanité comme elles lui ont captivé les suffrages de tous les savans. D’abord, ayant converti la musique en une langue phoné- tique , il dicte, à l’aide du violon ou de tout autre instrument, les mots ou phrases qu’on lui propose, et que transcrit son élève qui écoute dans une salle voisine ; puis, il lui couvre les yeux avec un mouchoir, et, au moyen du toucher, il lui transmet également toutes les idées; puis enfin, il les lui communique avec le seul secours des sept notes qu’il articule au lieu de les chanter , commé s’il parlait dans toute autre langue. Cette dernière application nous a vivement surpris, et les résultats en paraîtront immenses à tout homme qui sait que les diverses langues ont chacune en particulier quatre ou cinq cents sons différons, nécessités par la combinaison des voyelles et des consonnes, tandis que M. Sudre n’en emploie que sept, avec lesquels il exprime néanmoins toutes les combinaisons de la pensée. Son système, comme on le voit, formé avec des signes , ca- ractères ou sons, qui sont communs à tous les peuples civilisés, et qui partout offrent à l’œil comme à l’esprit les mêmes res- sources , les mêmes résultats, pourrait peut-être un jour deve- nir d’un usage général, attendu qu’il exclut toute difficulté de prononciation. Au surplus, voici l’extrait et les conclusions du dernier’ rap- port fait à l’institut royal de France : « M. Sudre a présenté à l’Académie, en janvier 1828, un sys- » tème de langue musicale qui a été soumis à l’examen d’une » commission formée de MM. Arago et de Prony, de l’Aca- » démie des sciences, du baron Fourier, de l’Académie fran- » çaise, de M. Raoul-Rochette, de l’Académie des inscriptions » et belles-lettres, de MM. Chérubini, Lesueur, Berton, Ca- » tel et Boïeldieu, de l’Académie des beaux-arts, qui en ont » rendu un compte favorable. » Depuis lors, M. Sudre s’est occupé à étendre et à perfec- » tionner son travail qu’il a récemment soumis au jugement » de l’Académie. >> Elle a nommé une commission formée de M. Berton,
““ 19 —• » président de l’Académie des beaux-arts, de M. Tissot, de » l’Académie française, de MM. de Laborde et Raoul-Rochette, » de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de M. de » Prony et du capitaine de vaisseau de Freycinet, de l’Académie » des sciences mathématiques et physiques, et de M, Edwards, » de l’Académie des sciences morales et politiques. » Ils ont l’honneur de présenter aujourd’hui à l’Acadé- » mie , le résultat de l’examen qu’ils ont fait du système de » Sudre. Après avoir indiqué les vues et les méthodes de ceux qui proposent des langues artificielles, la commission s’exprime ainsi : « M. Sudre, en créant une langue artificielle, a voulu réunir » plusieurs avantages : il a voulu fournir un mode de commu- » nication capable d’exprimer toutes nos idées ; il a voulu que » la nouvelle langue fût susceptible d’être rendue par des sons, » par des caractères, par des gestes ; qu’elle pût servir, soit à » communiquer de près, soit à communiquer rapidement au » loin ; qu’elle pût à volonté être employée, ou pour com- » muniquer sans mystère, ou pour établir des communications » secrètes ; enfin, que le système de sons ne fût pas susceptible, » comme la prononciation des langues parlées, de changer succes- » sivement avec le temps, mais qu’il fût de sa nature inaltérable. » Vous voyez , Messieurs, que M. Sudre s’est proposé un » problème tellement compliqué, qu’il a voulu réunir toutes » les conditions que se sont proposées séparément les auteurs » de langues artificielles qui ne s’occupent que des signes, » et qui présentent entre elles des oppositions si fortes, qu’elles » paraissent devoir s’exclure. » Cependant, ce problème, M. Sudre l’a résolu, et l’a résolu » dans toutes ses parties. » Peu de mots suffiront pour nous en convaincre. » Sa méthode est alphabétique , et, comme il peut ainsi re- » présenter toutes les lettres des mots , il peut rendre tous » les mots d’une langue, et par conséquent exprimer toutes » nos idées. » Comme les signes qu’il emploie sont empruntés à la mu- » sique, il est évident d’abord qu’ils peuvent consister dans des » sons ou des caractères, et quant au langage d’action, il rem- » plit également cette condition par une main qui représente » les barres de la portée , et l’autre main qui supplée aux signes » des notes. » Ce langage d’action peut même remplir une double con- «dition : il peut s’adresser à la vue et au toucher, et, en der- »nier ressort, fournir une langue commune à ceux qui, à
— 20 — » l’exemple des aveugles et des sourds-muets, n’auraient de » commun qu’un seul sens, le toucher, propre à communiquer » leurs idées. » Comme la langue musicale peut être rendue par tous les » instrumens de musique, on y trouve toutes les nuances de » portée de son qui permettent , soit la communication de » près, soit la communication rapide au loin. » De même que les notes musicales peuvent être substituées » aux lettres , elles peuvent l’être aux chiffres par le moyen de » ceux-ci qu’il énonce presque aussi brièvement par les sons » de la musique que par la parole ou par l’exécution ; il peut » désigner successivement tous les mots de son dictionnaire » musical, et créer ainsi une langue secrète dont le mystère est » impénétrable, et dont la promptitude peut satisfaire à toutes » les impatiences. » Il en est de même de la facilité de représenter des phra- » scs entières par un seul signe, de manière que ce procédé » remplit également la condition de la langue des signaux. » Quant à l’inaltérabilité des sons qui lui servent de signes , » la proposition est évidente, car les sons de la musique ne » sont au, fond que des formules mathématiques exécutées » par des instrumens de physique, et qui doivent exister au- » tant que la science et l’état actuel de la nature. » La commission entre ensuite dans de grands développemens; elle reconnaît la supériorité de la langue musicale sur le porte- voix : « Car, dit-elle, pour se servir de cet instrument, il faut » articuler; or, toute articulation est essentiellement vicieuse : » il n’y a que les voyelles qui aient de l’éclat ; quant aux con- » sonnes, elles s’éteignent facilement, et viennent mourir à » une petite distance. » Dans l’instrumentation au contraire, tout est, pour ainsi » dire voyelles, et par conséquent distinct et sonore. » En comparant la téléphonie à la télégraphie, la commission s’exprime ainsi : » Le télégraphe ne peut avoir lieu qu’à poste fixe, sur des » hauteurs, où tout a été prémédité, essayé, réglé d’avance et » à loisir; son emploi ne saurait être improvisé, et il est abso- » lument impossible dans une foule de situations et de temps. » La téléphonie peut se pratiquer sur terre dans presque » tous les lieux, dans les alternatives du jour et de la nuit, » sans changer de méthodb , et mieux encore la nuit, à cause » du plus grand silence qui règne alors sur terre; lorsque l’air » est pur, ou lorsqu’il est rendu trouble par des brouillards » épais. » La commission, après avoir rappelé l’opinion favorable des
officiers généraux et supérieurs qui furent chargés par le mi- nistre de la guerre d’examiner cette méthode, ainsi que celle non moins honorable de la commission maritime présidée par M. Gallois, capitaine de vaisseau, ajoute : « La multiplicité » des questions théoriques et pratiques que présente le système » de M. Sudre, l’importance des applications qui concernent » VEtat, a exigé de la part de votre commission la plus scru- » puleuse attention, et tout en voulant être concise dans son >» rapport, elle n’aurait pu le rendre court sans mutiler le sujet » et manquer à son devoir. « Il nous reste donc à réunir les conclusions éparses de ce »> rapport afin de les soumettre au jugement de l’Académie. » Sous le rapport de la partie théorique , votre commission » est d’avis que la langue musicale inventée par M. Sudre: » 1° Fournit un mode de communication susceptible d’ex- » primer toutes nos idées ; » 2° Qu’elle est susceptible d’être rendue par des sons, par » des caractères, par des gestes ; » 3° Qu’elle peut servir, soit à communiquer de près, soit à » communiquer rapidement au loin; » 4° Qu’elle peut, à volonté, être employée pour commu- » niquei' sans mystère, ou pour établir des communications se- « crêtes; > » 5° Enfin que le système de sons n’est pas susceptible, » comme la prononciation des langues parlées , de changer »> successivement avec le temps , et qu’il est de sa nature inal- » térable; •> Que comme moyen de communiquer rapidement au loin, » elle est convaincue de son utilité ; » Que cet usage de la langue musicale, comparé à celui de » de la voix humaine seule ou aidée d’un porte-voix, a beaucoup » plus d’intensité ; »> Que non seulement dans leur état actuel, mais dans les » perfectionnemens dont l’un et l’autre procédé sont suscepti- » blés, la langue musicale doit l’emporter; . » Que la téléphonie peut être improvisée dans presque tous »• les lieux et tous les temps, et qu’elle est, pour ainsi dire, la » seule praticable, hors les conditions de hauteur et de lignes » préétablies dont nous avons parlé ; » Que cette généralité d’application acquiert une nouvelle » valeur, lorsqu’on considère que l’instrument est le plus por- » tatif possible ; qu’il est toujours présent dans les circonstan- » ces où l’on a le plus grand intérêt à s’en servir, et que celui » qui s’en sert pour d’autres usages apprend facilement à s’en
— 22 — « servir pour celui-ci; conditions qui sont de la plus haute » importance pour toute application pratique ; * Que les circonstances dans lesquelles l’utilité de la télé— » phonie paraît devoir être le plus prononcée se trouvent dans » les temps de guerre, relativement à l’armée de terre ; » Qu’à cet égard, sauf les conditions de hauteurs et de lignes » préétablies, la téléphonie est seule praticable : » Que son utilité est d’ailleurs constatée par une commission » d’officiers généraux et supérieurs ; » Que sur mer, la téléphonie a moins de portée que les si- » gnaux visibles de jour, lorsqu’on peut s’en servir ; » Mais que ceux-ci, ne pouvant être employés que pour » transmettre des ordres prévus, la téléphonie y supplée dans la » sphère de son action ; » Quelle doit servir à étendre les signaux de nuit, et plus en- » cote ceux de brume ; » Enfin, votre commission , considérant, d’une part, sous le » rapport théorique, l’étendue et la fécondité de la méthode » de M. Sudre, fondée sur un principe si simple ; » Voyant, d’autre part, qu’elle complète les moyens de com- » muniquer rapidement au loin , et que, rendant ainsi service » à l’Etat, elle ajoute à l’honneur du pays, qui a inventé les » deux procédés, votre commission propose à l’Académie de » donner son approbation au travail de M. Sudre sous tous » les rapports que votre commission vient d’indiquer, et que, » voyant à regret que l’Académie ne possède pas les moyens » de récompenser directement M. Sudre, elle propose que » l’Académie veuille bien le recommander vivement au Gou- » vernement. » Fait au palais de l’institut, le 14 septembre 1833. Signé, à la minute, MM. de Prony, de Freycinet, membres de l’Académie des sciences. Tissot , membre de V Académie française. Cte de Laborde , Raoul-Rochette , membres de l’Académie des inscriptions et belles- lettres. Edwards , membre de ïAcadémie des sciences morales et politiques. Chérubini , Lesueur , Berton , Boïeldieu , Auber, Paer , membres de l’Académie des beaux-arts. de Freycinet et Edwards, rapporteurs. L’Académie adopte.
— 23 — Le bureau était ainsi composé : MM. Berton, président. Cortot, vice-président. Quatremère de Quincy, secrétaire perpétuel Pour copie conforme : Quatremère de Quincy . secrétaire perpétuel. Nous n’avons rien à ajouter à des témoignages si authenti ques et si honorables. LE VOLEUR. , s5 Juillet i835. U ” * LANGUE MUSICALE. Ce fut en 1817, au bas d’une montagne , près de Sorèze , dans le département du Tarn , que , réfléchissant sur l’appli- cation qu’on peut faire des notes musicales à la manifestation de nos idées , M. Sudre commença à élaborer un système qui devait le conduire , quoique lentement , à de si beaux ré- sultats. Il chercha dès ce moment un alphabet musical qui fût sim- ple , correct et précis, et dont la pratique pût devenir facile ; mais des obstacles sans nombre se présentèrent d’abord, et il abandonna un travail entrepris avec tant d’ardeur. Quatre ans s’étaient écoulés lorsqu’un jour , de retour à Paris, et se nourrissant sans cesse de son idée favorite , une lueur subite le frappa , et il put s’écrier comme Archimède : Je l’ai trouvé. En effet, sa longue patience avait en un instant saisi la solution du problème cherché. Il écrivit son ouvrage; mais, pour se rendre compte de ses résultats , il désirait ren- contrer quelque jeune intelligence qu’il pût appliquer à éprou- ver les moyens d’exécution , que jusqu’à ce jour il n’avait com- binés que pour lui seul. Un joui' qu’il allait , selon son habitude, à Choisy, faire le métier fastidieux de professeur élémentaire, M. Sudre ren- contra sur le coche d’eau un petit enfant de cinq ans environ, qui tenait un violon proportionné à sa taille, et qui jouait quel- ques petits airs( c’était le jeune Ernest Deldevez ). Frappé de la justesse de ses sons, il engagea la conversation, et lui de-
— 24 — manda qui était son père. Une dame assise à son côté répondit : C’est mon fils, monsieur. —Qui donc apprend à cet enfant à jouer du violon ? — Personne , dit la dame. — Mais enfin qui lui accorde son instrument?— C’est moi-même , répondit le petit mioche. — Voyons, dit M. Sudre , donne-moi ton violon, et au même instant il détend toutes les chevilles d’un ou deux tons, et lui remet le petit instrument. Personne ne se figure la vi- vacité avec laquelle le jeune bambin mit le violon d’accord , et en combien peu de temps. Mais qui lui apprend tous ces petits airs? disait M. Sudre. Sa mère répondit que quelquefois on le menait au Vaudeville ou aux Variétés , et que c’était de la qu’il les savait. Madame, dit M. Sudre , si cet en fant m’appar- tenait , dans cinq à six ans il ferait ma fortune (1 ) ! L’on se sépara après s’être donné réciproquement son adresse, et en promettant de se revoir. Effectivement, un an après , Ernest devint l’élève de M. Su- dre , et l’on conçoit les progrès que cet enfant dut faire. En 1825, il voyagea avec M. Sudre, ainsi que le jeune Charles Larsonneur, qui était à peu près du même âge , et tous trois parcoururent une partie de la France pour y donner des con- certs et y faire entendre aussi la langue musicale. C’était à qui devinerait plus tôt les mots, et souvent des contestations enfan- tines s’établissaient pour savoir qui le premier les avait pro- noncés. M. Sudre, à son retour , fut introduit auprès du célèbre M. Berton, membre de l’institut, homme bien capable d’appré- cier une pareille découverte, et d’appuyer lesdémarches de son auteur. M. Berton présenta l’auteur du système à l’Académie des beaux-arts de l’institut, et des expériences furent faites. Le plus brillant succès couronna cette épreuve, qui donna lieu au rapport suivant. C’est le même que celui qu’on a vu ci-avant dans le Moniteur du iG novembre 1828. Voici les nouveaux renseignemens que nous avons recueil- lis sur ce qui avait été fait pour appliquer aux opérations militaires la langue musicale , qui alors servirait de télégraphe nocturne dans les circonstances où les corps militaires ne peu- vent se communiquer les ordres nécessaires à l’exécution de tels ou tels mouvemens. (1) Depuis , cc jeune homme a remporte, à l’âge de seize ans, le premier prix de violon au Conservatoire, comme élève de M. Ilabeneck, et se propose de concourir l’année prochaine pour le grand prix de composition musicale. (Note de M. Sudre, 26 octobre i836.)
— 25 — M. le général Després, président du comité spécial et consul- tatif d’état-major, fut chargé par son excellence le ministre de la guerre de prendre connaissance des résultats que la langue musicale pouvait offrir, et d’examiner si on pouvait utilement en faire l’application à l’ait de la guerre. En conséquence, des expériences préparatoires eurent lieu à l’école d’état-major en présence de plusieurs officiers généraux et supérieurs. Là , M. Sudre traduisit musicalement, comme à la séance de l’in- stitut, plusieurs phrases que l’on avait écrites, et qu’au moyen du violon il transmettait à son élève renfermé dans une pièce voisine. On désira s’assurer si, en plaçant un instrument in- termédiaire qui transmettrait en second les sons , l’élève pour- rait également traduire le mot ou la phrase qu’on lui ferait entendre ; on se procura de suite une basse , et la personne qui en jouait fut placée dans une pièce qui séparait celle du maître de celle de l’élève; M. Sudre fit alors entendre sur son violon ce qu’on lui avait transmis oralement. L’on put ainsi se convaincre que , pai’ des vedettes placées de distance, en distance il était facile de transmettre des ordres à six , huit , dix lieues, sans que les agens intermédiaires en eussent le secret. Après avoir reconnu la possibilité de transmettre , soit de jour, soit de nuit, tous les ordres quelconques , MM. les généraux témoignèrent à M. Sudre combien il serait avanta- geux qu’un instrument sonore comme le clairon, qui est en usage dans tous les régimens, pût être utilement employé , avec d’autant plus de raison, qu’il y a environ sept mois que des expériences furent faites au Champ-de-Mars , pour s’assurer à quelle distance le clairon pouvait s’entendre, et qu’il fut reconnu que dans la nuit il était possible de distin- guer le son de cet instrument à une lieue, et que malgré le bruit du canon ou tin vent contraire, il pouvait encore s’enten- dre à un quart de lieue. Nous concevons toutes les difficultés que M. Sudre a eues à surmonter , pour adapter son système à un instrument qui ne fait que trois notes , et dont deux sont répétées dans les sons graves. Du moment que son travail fut terminé, des expériences furent faites au Champ-de-Mars, et, pour prouver tout le suc- cès qu’elles eurent, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de copier textuellement un des journaux qui en ont rendu un compte exact. « Ces expériences ont eu lieu en vertu d’ordres du ministre » de la guerre, et en présence de plusieurs généraux d’état- » major et du génie. Le clairon est l’instrument employé pour
» les transmissions ; on pourra juger par le texte de ces ordres » combien est variée la langue musicale. Les voici : « Se mettre en marche à quatre heures du matin. » Vous ferez sauter le pont à six heures du matin. » La poudre manque. » La division se dirigera sui* Auteuil à quatre heures du » matin. » La rivière est débordée. » On entend le canon du côté d’Issy. » » Une de ces phrases, expédiée à l’aide d’un clairon , de » l’extrémité du Champ-de-Mars à une vedette placée au-des- » sus de la butte du Trocadéro, a été reçue par celle-ci, et le » signal de réception renvoyé à l’expéditeur en moins de « quinze secondes. » Enfin, M. Sudre vient de composer un dictionnaire poly- glotte , pour les langues française , italienne , espagnole, an- glaise , allemande et russe. Ce travail est destiné à établir une communication idéographique entre tous ces idiomes, en les ramenant tous au foyer commun de la langue musicale. Un grand dictionnaire place dans une première colonne le signe musical ; dans les colonnes suivantes sont en regard les mots des six langues exprimant la même idée. L’auteur a composé ensuite, pour chaque langue, six petits lexiques séparés, où le mot alphabétique est suivi du signe musical : ce petit lexique renvoie au grand dictionnaire, ou se trouve la traduction en six langues, et auquel on pourrait ajouter sans peine la tra- duction de toutes les langues quelconques. Au moyen de ce procédé, M. Sudre exprime et fait en- tendre les mots de tous ces idiomes avec le même son , et ra- mène la multiplicité des idiomes à l’unité de la langue musicale. > : • Admis de nouveau à l’Académie des beaux-arts , dans sa séance du 20 juillet dernier , M. Sudre a déposé sur le bu- reau ses dictionnaires; et des expériences promptes, réitérées, décisives , ont excité la plus vive satisfaction et presque l’en- thousiasme, au sein du docte corps, déjà familiarisé cependant avec les merveilles du procédé de l’inventeur. Il a été répondu en anglais à des questions faites en allemand, etc. Le système a été agité, examiné sous toutes ses faces , soumis à toutes les épreuves ; M. Sudre a constamment montré qu’il avait tout combiné , tout prévu, et que son système avait atteint la per- fection , et rempli la condition importante d’être usuel , ap- plicable et facile. Une commission composée de MM. Delaborde, Berton, Raoul-Rochette, Tissot,de Prony , etc. , prépare un
— 27 — nouveau rapport qui appellera sans doute l’attention du Gou- vernement sur cette précieuse découverte. La langue musicale peut se traduire aussi par la vue, au moyen de trois lignes , sur ou entre lesquelles on place les notes, comme dans le chant ordinaire ; elle peut se tra- duire par le toucher, de manière à favoriser la communication entre un aveugle et un sourd. La langue musicale ou téléphonie est une découverte sa- vante, précieuse, d’une application facile et incontestable. LE TEMPS. Vendredi 27 Février i835. LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. On connaît déjà l’invention de M. Sudre : plusieurs commis- sions, nommées d’un côté par l’institut, de l’autre, par les mi- nistres de la guerre et de la marine, en ont rendu depuis long- temps un compte favorable. Son langage musical a paru devoir présenter d’utiles applications dans beaucoup de cas où les moyens de communications orale et télégraphique ne peu- vent être d’aucun usage. A la guerre, sur la mer, lorsque des hauteurs, l’obscurité de la nuit ou celle d’une tempête inter- ceptent les signaux ordinaires, le clairon de M. Sudre peut rendre de véritables services. Voilà ce qu’on a reconnu unani- mement. Malheureusement les bonnes idées se propagent lentement : on croit avoir assez fait pour elles en ne leur refusant pas la justice de quelques éloges ; puis on les laisse elles-mêmes se frayer leur chemin. C’est ce qui arrive à M. Sudre. Son langage musical en est encore à l’inactivité de la théorie, et malgré les rapports honorables des savans les plus distingués, des artistes les plus compétens, des généraux et des marins de toutes ar- mes, il n’est encore descendu nid le part dans la pratique habi- tuelle. M. Sudre s’occupe tout seul du soin de populariser son invention. Ce qui doit le rassurer sur son avenir, c’est que le public en apprécie le mérite. INous en avons vu la preuve lors de la séance qu’il a donnée à l’Athénée central du passage du Saumon, le dimanche 22 février. Il y avait là des gens de toutes classes, des dames, des artistes, des savans, des hommes du monde ; les
—— 28 applaudissent ens ont été unanimes. M. Sudre avait pour assis- tant un élève à peine âgé de 15 ou 16 ans. C’était chose cu- rieuse à voir que le maître dictant sur son violon plusieurs notes successives que l’enfant traduisait aussitôt sur le tableau noir en lettres et en .mots du langage usuel. La phrase avait été donnée inopinément par un des spectateurs, et personne ne pouvait être tenté de soupçonner dans tout cela le moindre charlatanisme. D’autres expériences ont suivi. M. Sudre a fermé les yeux de son élève, et lui a transmis, au moyen des doigts seulement, les phrases communiquées par l’assemblée; puis, un musicien du 37me de ligne s’est posé à une extrémité de la salle et a trans- mis sur son clairon, en accens vigoureux et prononcés, quel- ques mots indiqués par un Anglais dans sa langue maternelle ; aussitôt, ces mots se sont retrouvés écrits sur la table noire avec les signes télégraphiques correspondans ; alors, M. Sudre a ex- pliqué comment, dans une circonstance où les lignes télégra- phiques seraient interrompues par un accident survenu sur un de leurs points, le clairon pourrait y suppléer avec des sons qui portent jusqu’à une distance de 2,200 toises. La dernière expérience consistait dans une dictée en langage musical articulé : le maître disait les notes et l’élève les tradui- sait. Les mots même les moins communs, les noms de villes et d’hommes ne se refusent pas à l’application de cette méthode, qui a pour résultat de représenter non plus le sens mais les sons ; inutile dès-lors d’insister sur ses avantages. L’auditoire les a compris, et certainement l’inventeur a dû trouver déjà une récompense à ses travaux dans l’approbation flatteuse dont les témoignages l’ont entouré. LE PIANISTE, JOURNAL SPÉCIAL POUR LE PIANO , LES THEATRES LYRIQUES ET LES CONCERTS. 5 Février i835. M. SUDRE. Si le génie consiste à concevoir une idée neuve, grande et utile, à en saisir tout d’un coup la portée, à la poursuivre sans se laisser rebuter par les obstacles, à la développer, à la pous- ser enfin au plus haut point de perfection qu’elle puisse attein-
— 29 *— dre, assurément M. Sudre est un homme de génie , et d’un génie supérieur. Tout le monde sait que cet artiste est l’inventeur de la langue musicale, langue universelle et d’autant plus précieuse que les principes en sont d’une simplicité et d’une clarté irréprocha- bles. Nous regrettons de n’avoir pas sous les yeux les divers rapports fait à ce sujet par l’Académie des sciences et par celle des beaux-arts, dans lesquels sont exposés les avantages nom- breux qu’on pourrait retirer de cette invention ; mais nous ne pouvons passer sous silence les diverses expériences auxquelles nous avons assisté, le 25 de ce mois, au Conservatoire , et qui ont excité dans tout l’auditoire une admiration fondée , et d’autant plus flatteuse pour M. Sudre, que cet auditoire se composait principalement d’hommes éclairés et dignes de l’ap- précier. Le système de M. Sudre consiste à exprimer toutes les pen- sées possibles, même les plus abstraites , au moyen des sept notes de la musique, et l’on conçoit facilement tout le parti qu’on peut tirer d’un tel procédé (porté, je le répète, au plus haut degré de perfection ), surtout dans le cas où il est impos- sible de communiquer par écrit ou de vive voix : c’est particu- lièrement sur les champs de bataille , dans les défilés et les montagnes, de la rive d’un fleuve à l’autre, en pleine mer, dans l’obscurité de la nuit, que l’application peut en être faite avec un succès complet et indubitable. Nous ne pouvons concevoir comment il se fait que le Gou- vernement, suffisamment éclairé sur le mérite de cette belle invention, ne se la soit pas appropriée pour en faire usage, et nous pouvons affirmer, sans crainte d’être contredits, que tous les gens amis de la gloire nationale et animés d’un sentiment de patriotisme, verraient avec une peine extrême l’étranger s’enrichir d’une œuvre de génie aussi remarquable, tant par les peines, les recherches et les études qu’elle a dû coûter à l’auteur, que par les résultats admirables qu’elle a produits et qu’elle peut produire dans mille circonstances importantes. S’il arrivait, ce qu’à Dieu ne plaise, que M. Sudre ne pût réussir à recueillir personnellement les avantages qu’il est en droit d’attendre de son invention, et qu’il eût la douleur d’a- voir à déplorer l’indifférence de ses contemporains, nous le plaindrions sincèrement, et nous ne craindrions pas d’accuser de cette indifférence coupable les personnes à qui leur position donne exclusivement le moyen de récompenser de telles œu- vres comme elles doivent l’être. Quant à la postérité , à la- quelle M. Sudre appartient déjà, nous sommes assurés qu’elle sera plus reconnaissante, et que, si l’on a élevé une statue à
— $0 «r Guttemberg, l’inventeur de l’imprimerie, on trouvera juste plus tard d’en ériger une à l’auteur- de la langue musicale. JOURNAL DE PARIS. 12 Mai i834. M. Sudre, inventeur de la langue musicale, a donné hier, dans les salons de M. Dietz, une séance où était réunie l’élite du monde musical parisien. Il y a exposé son ingénieux système déjà honoré du suffrage de plusieurs commissions. D’abord, ayant converti la musique en une langue phonétique , il dicte, à l’aide du violon, des mots ou phrases donnés par le public et que son élève , placé dans une pièce voisine , vient à l’instant faire connaître à toute l’assemblée, etc., etc... Mais quand, passant de l’analyse à la synthèse , il fait de la musique une véritable sténographie, et transmet, à l’aide du clairon, par des sons simples et très-faciles à apprécier, des mots entiers, des phrases entières, alors, on doit reconnaître qu’il a parfaitement résolu un problème des plus difficiles. Aussi, toutes les fois que l’interprète venait réciter la dictée de l’instrument, les au- diteurs témoignaient-ils vivement leur étonnement et même leur admiration ! Les applications immédiates de ce système à l’art militaire et à la marine ont été signalées dans les divers rapports. Nous ne souhaiterons pas une guerre pour la plus grande gloire de M. Sudre; mais, de même que l’on fond en temps de paix les canons qui doivent servir au jour du danger, de même la téléphonie, qui peut devenir une arme puissante, a droit aux encouragemens de l’autorité. MONITEUR DU COMMERCE. Mardi 3 Mars 1835. M. Sudre a donné dimanche dernier, 22 février, à F Athénée central, une séance de la langue musicale et de ses différentes applications. Entouré d’une nombreuse et brillante société , ce savant artiste a fait connaître au public les extraits et conclusions des quatre rapports qui ont été faits et adressés au gouvernement sur cette précieuse découverte. Ensuite, il a
— 31 — commencé ses expéi'iences qui consistent à dicter, à l’aide du violon ou de tout autre instrument, des mots ou phrases écrits par des assistans , et dont la traduction est aussitôt faite par son élève. Il a prouvé aussi qu’au moyen des sept notes indiquées par le toucher, sur ou entre les doigts de la main, il était facile de mettre en communication un aveugle avec un sourd-muet. Mais une application qui nous a paru la plus extraordinaire, et dont nous ne pouvons nous rendre compte , c’est qu’au moyen des sept notes articulées il rend toutes les combinaisons de la pensée ; ce n’est donc que sept sons au lieu de quatre ou cinq cents qu’en ont les différentes langues en général. Il faut réellement avoir vu ce prodige de l’esprit humain pour être convaincu d’un aussi beau résultat. Quant à son système de téléphonie, ou moyen de correspondre rapidement au loin, les différentes commissions qui s’en sont occupées en ont fait sentir au Gouvernement toute l’importance et toute l’utilité ; nous croyons, dans l’intérêt public, faire plaisir à nos lecteurs en citant textuellement les conclusions du dernier rapport fait à l’institut royal de France, au nom des cinq Académies ; le voici : « Enfin, votre commission, considérant d’une part, l’étendue » et la fécondité de la méthode de M. Sudre, fondée sur un >» principe si simple ; » Voyant, d’autre part, qu’elle complète les moyens de com- » muniquer rapidement au loin, et que, rendant ainsi service » à l’Etat, elle ajoute à l’honneur du pays, votre commission » propose à l’Académie de donner son approbation au travail » de M. Sudre, sous tous les rapports que votre commission » vient d’indiquer, et que, voyant à regret que l’Académie ne » possède pas les moyens de récompenser directement M. Su- » dre, elle propose que l’Académie veuille bien le recomman- » der vivement au Gouvernement. » L’Académie adopte. Signé MM. de Prony, de Freycinet, Tissot , Cte de Laborde , Edwards , Raoul-Rochette , Chérubini, Lesueur, Berton, Boïeldieu, Auber et Paer. M. Sudre donnera, dimanche 15 mars, une dernière séance, et nous engageons tous les amis des lettres , des arts et des sciences à y assister, afin de se convaincre, comme nous , des merveilleux résultats d’une langue dont les différentes appli- cations honorent infiniment celui qui en est l’auteur.
32 — LE CORSAIRE. 29 Janvier 1835. SÉANCE DE LA LANGUE MUSICALE. M. Sudre est inventeur d’une langue musicale dont l’uni- versalité serait un bienfait pour tous les peuples, s’il était permis ou possible de l’implanter dans tous les pays du monde. Mais comment espérer que les gouvernemens despotiques per- mettent jamais un pareil moyen de civilisation et de confra- ternité ? Et puis, que deviendraient les nationalités ? Le système de M. Sudre est brillant et ingénieux sous tous les rapports. D’abord il parle indifféremment auxyezzjr, à Youïe ou au toucher ; il simplifie les signes de la pensée d’une ma- nière prodigieuse , jusque là que, pour la téléphonie, il réduit à douze les cent cinquante signes employés par les télégraphes du gouvernement, et comme signal maritime , il est plus ad- mirable encore. Aussi l’inventeur a-t-il obtenu un véritable triomphe dans la séance qu’il a donnée dimanche dernier au Conservatoire de musique. M. Sudre remplace tous les signes des langues mortes ou vivantes par les sept monosyllabes do , ré, mi, fa, sol, la, si, employés sans aucun rhythme dans l’un ou l’autre des douze tons de la musique. A l’aide d’un violon ou de tout autre in- trument, il fait résonner quelques notes , formant la traduc- tion, en langue musicale, d’une phrase donnée par l’un des assistans ; puis son élève, jusque là placé dans une autre pièce,, vient écrire sur un grand tableau la phrase qu’il a entendue sur l’instrument, et, chose remarquable, il ne s’est pas trompé une seule fois. REVUE MUSICALE. Dimanche 25 Mai i835. NOUVELLES DE PARIS. M. Sudre, inventeur de la langue musicale, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs, a donné , le 20 de mois, dans les salons de M. Dietz , une séance à laquelle assistaient l’élite de nos artistes. Après avoir donné connaissance des rapports des
— 33 — diverses commissions chargées d’examiner ses procédés, M. Su- dre a fait devant l’assemblée plusieurs expériences qui ont été couronnées du plus beau succès. Des phrases dans toutes les langues , données à M. Sudre par des personnes de l’assemblée, ont été transmises par lui, à l’aide du violon ou du clairon , à l’élève qui lui servait de correspondant, et transcrites par ce dernier' avec la plus grande exactitude. Nous nous plaisons à constater de nouveau le bril- lant succès qu’a obtenu M. Sudre dans cette séance. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur communi- quant un extrait du dernier rapport fait à l’institut royal de France, et qui prouve incontestablement que M. Sudre est parvenu, par un travail des plus opiniâtres, et une persévé- rance des plus louables, à porter sa méthode à la perfection dont elle paraissait susceptible ; ce sera en même temps com- pléter les trois autres rapports que nous avons fait connaître dans notre numéro du mois de septembre 1828 , et dans celui du 4 septembre 1830. La commission s’exprime ainsi : « M. Sudre a présenté à l’Académie , en janvier 1828, un » système de langue musicale qui fut l’objet d’un rapport fa- » vorable. » Depuis lors il s’est occupé à étendre et à perfectionner » son travail, qu’il a récemment soumis au jugement de l’Aca- » démie. » En créant une langue artificielle, M. Sudre a voulu réunir » plusieurs avantages ; il a voulu fournir un mode de commu- » nication capable d’exprimer toutes nos idées ; il a voulu que » la nouvelle langue fût susceptible d’être rendue par des sons, » par des caractères, par des gestes ; qu’elle pût servir, soit à » communiquer de près, soit à communiquer rapidement au » loin ; qu’elle pût à volonté être employée ou pour communi- » quer sans mystère ou pour établir des communications secrè- » tes ; enfin , que le système de sons ne fût pas susceptible, » comme la prononciation des langues parlées, de changer suc- » cessivementavec le temps mais qu’il fût de sa nature inaltérable. «Vous voyez, Messieurs, que M. Sudre s’est proposé un » problème tellement compliqué, qu’il a voulu réunir toutes » les conditions que se sont proposées séparément les au- » teurs de langues artificielles, qui ne s’occupent que des » signes, et qu’elles présentent entre elles d’oppositions si » fortes, qu’elles paraissent devoir s’exclure. » Cependant, ce problème , M. Sudre l’a résolu, et il l’a » résolu dans toutes ses parties, etc., etc. » La comission termine son rapport en disant que « le système 3
34 —• » de M. Sudre rend service a l’Etat , et ajoute a l’honneur » du pays , et propose en même temps à l’Académie de donner » son approbation à son travail, et d,e le recommander vive- » ment au Gouvernement. » L’Académie adopte. Signé, à la minute : MM. de Prony, Tissot, Cte de Laborde, Raoul- Rochette , Chérubini , Lesueur , Berton , Boïeldieu, Auber , Paer. De Freycinet et Edwards, rapporteurs. Quand un corps savant comme l’institut de France prend l’initiative auprès du Gouvernement, il lui fait assez connaître combien il est intéressé à encourager une aussi utile décou- verte. ( Note du rédacteur. ) LE MÉNESTREL. Dimanche xec Février 1835. LANGUE MUSICALE. M. Sudre est un de ces hommes persévérans et rares , qui poursuivant constamment un seul et même but en dépit des temps, des circonstances, finissent tôt ou tard par triompher des entraves que l’indifférence et la routine jettent à profusion sur leur passage. Oui, nous l’espérons avec confiance, l’inven- teur de la langue musicale vaincra la résistance de quelques hommes, l’incurie des autres, et l’apathie d’un grand nombre. Il faudrait que tout sentiment de gloire nationale fût banni du cœur de nos gouvernans s’ils laissaient porter à l’étranger une aussi précieuse conquête. Depuis je ne sais combien d’années , M. Sudre s’occupe du principe de son vaste système : les suffrages les plus authenti- ques, les éloges les plus honorables , l’admiration la plus sin- cère , sont venus à divers intervalles, et en masse , encoura- ger l’inventeur, seconder ses projets, soutenir ses efforts. Si l’admiration publique était une indemnité suffisante aux travaux de M. Sudre , s’il ne tenait pas à honneur de consacrer à la France le fruit de ses méditations , depuis long-temps les vœux de cet homme seraient comblés. L’enthousiasme que
— 35 -- ses nouvelles applications ont fait éclater dimanche dernier, dans la salle des menus-plaisirs, ne saurait se décrire. Car M. Sudre, dont le cerveau ne repose jamais, vient d’ajouter à son système téléphonique une nouvelle découverte plus prodigieuse encore que tous les résultats de son invention primitive. Il ne s’agit de rien moins que d’un langage universel, au moyen duquel on exprimerait toutes les idées par la simple articula- tion des sept notes de la musique. Sans posséder la théorie musicale, une personne quelconque rendrait ainsi sa pensée intelligible à tous, pour peu qu’elle connut le nom des sept notes de la gamme. Nous avons vu, sans les comprendre, les résultats de cette admirable découverte, et tous les spectateurs en ont été frap- pés comme nous. M. Sudre a ensuite renouvelé les expériences de son clairon et de son télégraphe. Une foule de mots et de phrases , écrites en diverses langues par le public, et appliquées à la télépho- nie, ont été reproduits par les deux élèves de l’inventeur avec une fidélité remarquable. Au nombre des phrases que le téléphone et la langue articu- lée ont été chargés de reproduire , nous avons remarqué les suivantes : « La France forcera-t-elle V auteur a aller à Vétranger ? » « Guttembcrg a une statue à Mayence : attendez. » Le sens de cette dernière pensée a été vivement saisi et cou- vert d’applaudissemens. LE CORSAIRE. 16 Février i835. Le langage musical inventé par M. Sudre, et auquel il a con- sacré un grand nombre d’années, est véritablement digne d’une attention sérieuse, et l’on doit s’étonner de l’insouciance que montre le gouvernement pour une invention dont il pourrait tirer un grand parti. Je n’entrerai pas dans le détail de toutes les applications qu’on en pourrait faire ; il suffira de constater en peu de mots les avantages importans que le système de M. Sudre présente comme téléphonie employée à l’armée et à la marine. Son moyen est simple et n’exige aucuns frais. Il suffirait d’instruire un officier d’état-major dans chaque régiment, et d’exercer les
36 — trompettes pendant quelques semaines, pour transmettre les ordres les plus secrets du général sur toute la ligne de bataille. Dès lors, plus de nécessité d’envoyer à travers la mitraille , ni aides-de-camp, ni ordonnances; et voyez combien de ces jeunes braves seraient épargnés, alors même que vos ordres parvien- draient plus sûrement , et que leur exécution serait plus prompte. Qui sait à combien de nos malheureux soldats de Moscou, divisés , poursuivis , égarés sur des terres inconnues, la télé- phonie de M. Sudre eût pu sauver la vie ! Qui pourrait dire l’issue qu’aurait eue la bataille de Waterloo, si la division Grouchy eût été avertie par cet infaillible moyen ? Et qu’on ne dise pas que ce sont ici des assertions hasardées: l’invention de M. Sudre a été examinée par d’habiles géné- raux , par des amiraux , des commissions de l’institut royal de France ; tous ont été d’un avis unanime sur les graves résultats qu’on en peut obtenir de plusieurs manières diffé- rentes. Espérons qu’il se trouvera dans le ministère quelques hommes assez éclairés , assez amis du pays, pour examiner, apprécier cette découverte, et, dans tous les cas, traiter l’in- venteur de manière à ne pas décourager quiconque s’aviserait à l’avenir de consacrer ses veilles aux arts utiles. LE PII1LANTR0PE UNIVERSEL. Jeudi Mars 1835. LANGUE MUSICALE UNIVERSELLE, INVENTÉE PAR F. SUDRE , ylpprouvée par l’institut royal de France. 11 y a long-temps que les savans ont cherché à établir une langue universelle , au moyen de laquelle tous les hommes puissent se transmettre leurs pensées; mais jusqu’à présent leurs efforts ont été vains. Court de Gébelin, dans ses immenses travaux , a bien donné quelques étymologies générales au moyen desquelles on arrive à la presque certitude d’une langue originelle, qui a été la mère et la source de tous les dialectes que parlent aujourd’hui les diverses nations; mais de cette
37 ~ science d’étymologie à la pratique d’une langue populaire , il y a une grande distance, et cette distance n’a pu être et ne sera probablement jamais franchie. Cependant combien serait utile aux hommes une langue, un moyen de communication d’idées, qui pût les mettre en rap- port par la parole, comme ils le sont par des signes et des gestes ! S’il est impossible, ou du moins extrêmement difficile, d’arriver à la formation d’une pareille langue , il faut donc recourir à l’invention de signes ou de sons qui puissent faire connaître les idées. Cette langue de signes et de sons, comme celle des gestes, une fois convenue, peut être aisément com- prise pai* tous les hommes ; elle surmonte la difficulté des pro- nonciations , la variété des accens ; elle n’est point arrêtée par les différences de conception, d’ordre et de logique des divers langages ; exprimant les choses par un signe ou un son , il est impossible que ceux qui le voient et qui l’entendent ne le comprennent pas. Tel est, en résumé, l’objet des travaux de M. Sudre; telle est l’idée principale qui l’a dirigé dans ses recherches et qui l’a amené à l’invention d’une langue musicale, comme l’a déclaré le rapport fait à l’institut royal de France, le 23 février 1828. Depuis ce temps, d’utiles applications ont été faites de cette admirable méthode. Les rapports que nous avons sous les yeux font l’éloge le plus flatteur et surtout le plus juste des immen- ses avantages que présente ce système de communication appli- qué soit à l’art de la guerre, soit au service de la marine. Mais ce n’était pas assez d’avoir réussi à trouver, dans les sept notes de la musique modulées sur un instrument, ou sim- plement articulées, un moyen de communication universelle qui doit puissamment contribuer à rapprocher les hommes des différentes nations, M. Sudre a voulu encore faire participer aux bienfaits de sa précieuse découverte les malheureux que la nature ou un accident imprévu a privé de la faculté de parler, d’entendre ou de voir. Ainsi, à l’aide des sept notes indiquées par le toucher sur ou entre les cinq doigts de la main, qui alors représentent la portée musicale, M. Sudre peut mettre en com- munication un aveugle avec un sourd-muet. Du reste, dans les diverses séances où l’inventeur a exposé sa méthode , un public extrêmement nombreux, composé de gens de toutes classes , d’artistes et de savans, a prouvé par des applaudissemens unanimes, combien il s’intéressait aux progrès d’une découverte qui étend les bornes de la science et qui fait honneur au pays. Nous aussi, nous engageons M. Su- dre à persister dans ses louables efforts, à populariser son in- vention, et un jour son nom, à l’exemple de Guttemberg ,
— 38 — acquerra des droits à la reconnaissance de tous les peuples. Dimanche prochain 15 mars la dernière séance de la langue musicale aura lieu à une heure précise dans la grande salle de l’athénée central, passage du Saumon. m h < L’IMPARTIAL. Jeudi 5 Mars i835. LA LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. Nous sommes en retard avec M. Sudre. Ce n’est pas que son ingénieuse et utile invention n’ait déjà trouvé dans cette feuille de justes encouragemens ; mais il a apporté depuis quelque temps dans son langage musical tant de perfectionnemens , il a trouvé le moyen de l’appliquer à tant de combinaisons , qu’il y aurait injustice à nous à ne pas joindre nos éloges aux applaudissemens que lui ont mérités les dernières expériences qu’il a faites au Conservatoire de musique et à F Athénée central. Certes , si c’est une œuvre de génie ( et qui en pourrait dou- ter?) que de concevoir une idée neuve, d’en calculer toute l’importance, et de ne pas s’arrêter avant d’en avoir tiré tout le parti dont elle est susceptible, d’en avoir porté au plus haut point de perfection tous les développemens, M. Sudre est un des hommes de l’époque actuelle qui aient le mieux mérité de la science. Il n’est pas rare, par le temps qui court, de voir signaler à l’admiration publique de prétendues décou- vertes. Mais inventées ou non, les idées se reposent dans le cerveau de celui qui annonce les avoir conçues. Il se contente de les confier en termes plus ou moins vagues, à quelques feuilletons de journaux, puis il se retranche dans la supériorité de son génie, qui ne peut s’abaisser des hautes régions de la théorie, jusqu’au mécanisme servile de la pratique. Aussi, la prétendue invention , stérile pour le pays, n’est pas même sou- mise à l’appréciation de l’opinion publique , sans laquelle il n’y a pas de réputation réelle ni surtout durable. M. Sudre a suivi une autre marche. Après avoir recueilli les suffrages de l’institut royal de France et des autres corps sa- vans , après avoir prouvé, par des expériences faites devant nos sommités militaires de l’armée et de la marine, les services que le langage musical, appliqué à l’instrument le plus en
*=»** ♦ usage (le clairon) pouvait rendre en temps de guerre, il n'a pas dédaigné de soumettre le fruit de ses recherches au juge- ment de tout homme qui voudrait s’en rendre compte et en concevoir une idée exacte. Aussi est-il prouvé maintenant pour tout le monde , que la langue musicale peut exprimer toutes les pensées possibles, même les plus abstraites , au moyen des sept notes de la musi- que. On conçoit, dès-lors, tout le parti qu’on peut tirer d’une telle combinaison, poussée, nous le répétons , à son plus haut point de perfectionnement, surtout dans les cas où il est im- possible de communiquer par écrit ou de vive voix. La langue musicale a un autre avantage : elle est applicable à tous les idiomes. Dans la séance donnée par M. Sudre, dimanche der- nier, à l’Athénée , les phrases qu’il a traduites sur le clairon ont été dictées par les assistans en six langues différentes. On annonce pour la semaine prochaine une nouvelle séance de M. Sudre, qui aura lieu à l’Hôtel-de-Ville ; les premiers fonctionnaires de la capitale doivent y.assister. Cette séance sera, dit-on, la dernière. M. Sudre se rend en Angleterre. Le gouvernement voudrait-il laisser l’étranger s’enrichir d’une découverte aussi remarquable ? Le ministre qui dispose des sommes affectées à l’encouragement des inventions utiles aurait- il jugé celle-ci indigne de son intérêt ? LE RÉFORMATEUR. Samedi 21 Mars i835. LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. A mesure que les connaissances humaines se multiplient et se perfectionnent, tout ce qui en est l’objet va aussi se rédui- sant à ses plus simples élémens. Cette loi trouve sa vérification tous les jours , aussi bien dans le monde intellectuel que dans le monde physique, en chimie, en physiologie végétale, en optique , tout aussi bien que dans le calcul, dans la grammaire, dans les sciences sociales : la variété ne trouve une explication suffisante que dans l’unité. On n’a pas encore assez étudié la nature et les lois du lan- gage humain pour le réduire à sa dernière simplicité, pour généraliser ses procédés admirables, pour obtenir avec les plus
—• 40 — petits moyens possibles les plus grands résultats. Tout ce qu’on a jusqu’à présent essayé en fait de langue universelle se réduit à des tâtonnemens et à des rêveries : cependant, dans cette idée, comme dans toute idée qui revient sous des for- mes différentes, dans des esprits différens, à différentes épo- ques , il y a quelque chose de vrai et de fécond. Nul doute que , par des conventions très-simples et très - bien arrêtées , qui seraient fondées sur la nature même du langage, on pourrait trouver un moyen facile, unique, et en même temps variable à l’infini, de communiquer la pensée. C’est ce que M. Sudre a tenté par des procédés dont lui seul a le secret jusqu’ici, mais dont le résultat a mérité les encouragemens de l’Académie des sciences, et les applaudissemens du public. IL réduit la langue tout entière aux sept notes musicales, il traduit par les sons correspondais , ou même par la pro- nonciation des monosyllabes indiquant ces notes , tout mot, toute idée ; il applique son système aux communications thé- légraphiques , il les réduit à douze signes seulement, il trans- met par les simples sons du clairon tout ordre si compliqué qu’il puisse être : il réduit enfin le langage à des attouche- mens , par lesquels un sourd peut communiquer avec un aveu- gle , et les essais qu’il donne de sa méthode paraissent aussi satisfaisant que peut l’exiger l’état de cette nouvelle science, car nous ne craignons pas de lui appliquer ce nom. LE PHILANTROPE UNIVERSEL, JOURNAL DES AMELIORATIONS SOCIALES. Jeudi 5 Février i835. LANGUE MUSICALE INVENTÉE PAR M. SUDRE. M. Sudre a lu d’abord un exposé succinct de sa méthode et des rapports qui avaient été faits par diverses commissions. Ensuite il a demandé à chacun des assistans de vouloir bien écrire les phrases qu’il désirait être transmises à ses élèves, ca- chés derrière un paravant. A l’aide d’un violon, il exprimait en langue musicale la phrase qu’on lui avait proposée, et l’é-
— 41 lève aussitôt venait l’écrire sur un tableau, aux applaudisse- mens de l’assemblée. Après cette expérience . M. Sudre a fait l’application de son système téléphonique , soit à l’art de la guerre , soit au service de la marine. Ln télégraphe portatif, construit exprès pour cette séance, servait à représenter, au moyen de douze signes seulement, toutes les combinaisons de la pensée. Tous ces divers essais ont parfaitement réussi, et ont assuré à l’inventeur d’une langue qui pourrait devenu’ uni- verselle , la sympathie de tous les amis de la science et des arts. Entre autres phrases proposées , on a remarqué, celle-ci : Gut- temberg a une statue à Mayence , attendez ! Cette pensée noble et généreuse a excité l’enthousiasme de l’auditoire ; espérons qu’elle trouvera de l’écho en France. LE COURRIER FRANÇAIS. Mars 1835. L’inventeur de la langue musicale, plus justement nommée langue universelle, n’a pas cessé d’améliorer sa curieuse et utile découverte , d’en varier les applications , ni d’en multiplier les résultats. Lue séance publique , récemment tenue par M. Su- dre , a démontré les nombreux avantages de ce nouvel idiome, soit de près, soit à distance. M. Sudre l’a successivement em- ployé , 1° comme moyen de communication de la pensée, à l’aide d’un violon ou de tout autre instrument ; 2° comme moyen de communication entre un aveugle et un sourd-muet, pratiquée par Y ouïe et le toucher ; 3° comme langue articulée , ne nécessitant aucune connaissance musicale théorique ou pra- tique ( comme écriture avec le secours d’un signe unique , dont la clef, quoique impénétrable , peut être changée à volonté. Enfin, M. Sudre a répété scs expériences de téléphonie, ap- plicable à l’art de la guerre , au service de la marine , ainsi que le constatent d’ailleurs les rapports faits à F Académie royale des beaux-arts , aux ministres de la guerre, de la marine et à l’in- stitut de France , au nom des cinq académies. Nous ne croyons pas que jamais découverte ait pu s’entourer de témoignages plus imposans, et nous nous refusons encore à penser que , pour en recueillir les fruits, l’auteur soit obligé de quitter sa patrie.
42 <•- LE NATIONAL. Janvier 1835. M. Sudre donnera, dimanche 25 janvier, à la salle du Conservatoire, une séance de la langue musicale et de ses dif- férentes applications. Un télégraphe portatif sera mis en ac- tion , et, au moyen de douze signes , transmis par le son du clairon , l’ingénieux inventeur exprimera toutes les combinai- sons de la pensée. On prétend encore que ce savant professeur serait parvenu nouvellement à articuler la langue musicale de manière à ne laisser aucun doute sur la possibilité d’établir un langage universel que l’on pratiquerait en nommant les notes au lieu de les chanter. LE MÉNESTREL. Dimanche 1er Mars i835. LANGUE MUSICALE. L’invention de M. Sudre acquiert chaque jour plus de re- tentissement dans la capitale. Une foule compacte se pressait dimanche dernier dans la grande galerie de l’Athénée, pour assister aux expériences téléphoniques de cet homme infatiga- ble. M. Sudre a obtenu le succès le plus glorieux : à chacune de ses applications, les plus vifs applaudissemens ont éclaté dans la salle , et le public s’est retiré après cette séance , l ame toute préoccupée d’une aussi admirable découverte. Déjà l’invention de là langue musicale est appréciée par les masses; déjà les droits de l’inventeur sont apostillés par tous les organes de la presse et toutes les autorités savantes et artis- tiques. Il faudrait un fonds de mauvaise volonté inépuisable pour résister plus long-temps à cette universalité de suffrages. La téléphonie et ses brillans résultats sont suffisamment connus maintenant du monde littéraire , musical, pensant , et de tout ce qui s’agite dans la sphère des arts et des sciences ; plus d’une fois l’admiration publique s’est manifestée assez hautement pour qu’on en ait pu entendre l’écho dans de plus hautes régions.
43 — Que les organes de l’opinion publique se réunissent donc sur nouveaux frais pour appeler l’attention de nos gouvernons sur une découverte utile au pays et inappréciable dans ses consé- quences. Depuis 1817, M. Sudre s’occupe continuellement à faire fructifier une idée que sa passion pour la musique a fait naître, et que son amour pour la science l’a conduit à développer. Cette idée consiste à substituer à toutes les langues parlées un langage musical dont le principe est universel, et que dans aucun pays de la terre on ne peut altérer sans détruire totale- ment les lois delà nature. M. Sudre est parvenu au but de ses efforts ; il a résolu le problème de la langue musicale. Les applications de son système peuvent se diviser en deux parties : les unes ont un but moral et philosophique, puis- qu’elles tendent à des améliorations propres à développer l’in- telligence humaine ; les autres présentent une utilité positive et matérielle pour tous les gouvernemens , en ce qu’elles faci- litent les moyens de correspondre au loin , le jour, la nuit, sur terre comme sur mer, quel que soit l’état de l’atmosphère. Les modes d’application téléphonique consistent à conver- tir les idées en sons correspondans, et à les transmettre ainsi moyennant la voix ou un instrument, et notamment le clairon. En outre , M. Sudre a trouvé le moyen d’introduire la sté- nographie dans la téléphonie. Douze signes télégraphiques répon- dant à douze sons lui suffisent pour exprimer’ toutes les idées. Enfin , deux nouvelles applications ont été récemment ima- ginées par l’inventeur : la première consiste à faire communi- quer ensemble un aveugle et un sourd-muet ; la seconde se com- pose d’une langue universelle, à l’aide de notes de musique articulées. Plusieurs rapports successifs faits par des savans , des offi- ciers généraux et supérieurs, et des marins distingués, et adressés aux ministres de l’intérieur, de la guerre, de la ma- rine et de l’instruction publique , ont rendu une éclatante jus- . tice à l’invention de M. Sudre. Parmi les témoignages les plus flatteurs fournis par ces di- verses commissions, on remarque le rapport de l’institut royal de France , au nom des cinq académies, lequel recommande le système de AJ. Sudre de la manière la plus énergique , en déclarant cpx’il rend service à l’Etat et ajoute à l’honneur du pays !
DE LA PRESSE BELGE. LE LYNX. Jeudi ^5 Septembre 1834• ♦ LANGUE MUSICALE. Il est peu de nos lecteurs qui n’aient entendu parler de la langue musicale et de son ingénieux inventeur, M. Sudre, dont les journaux français ont tant de fois mentionné les nom- breux et éclatans succès; on apprendra donc avec plaisir que M. Sudre , actuellement à Bruxelles , se propose de nous don- ner une séance publique dans laquelle seront résolues les plus grandes difficultés de son art. Peu de personnes savent en quoi consiste la langue musicale: on se figure d’abord qu’à l’aide d’une harmonie de convention, tantôt douce et énergique, lente ou rapide, triste ou joyeuse , conforme enfin aux sentimens qu’il veut exprimer, l’inventeur fait passer dans 1’ame de son élève l’expression de sa pensée. C’est être à mille lieues de la réalité. Ce sont des phrases, ce sont des mots, ce sont des syllabes, que M. Sudre exprime sur les cordes de son instrument, phrases, mots et syllabes écrits par un tiers, et que répète littéralement l’élève placé dans une pièce voisine. Ainsi, à l’aide des sept notes de la gamme, l’ha- bile musicien traduit tous les mots de la langue, et à un tel point d’exactitude qu’il est impossible de confondre un mot avec un autre. Premier sujet d’étonnement pour le spectateur. Après y avoir quelque peu réfléchi néanmoins, on conçoit comment on peut parvenir, à l’aide des octaves et des demi- tons , à former une réunion de vingt-cinq sons différons, re- présentant chacun une lettre de l’alphabet ; comment, à l’aide de ces notes-lettres , il est possible d’écrire et de transmettre quelque mot de la langue que ce soit à une oreille juste et exercée; mais outre qu’une pareille méthode n’est pas sans difficulté, quelle ne sera pas la surprise de nos amateurs quand ils entendront l’habile artiste rendre une syllabe entière, un mot entier, par une seule note, de manière à ce qu’une phrase de GO à 80 lettres n’exige que dix à douze notes pour être litté-
45 —» râlement traduite ? Peu d’entre eux, nous en avons la certitude, parviendront à comprendre un pareil mécanisme : c’est ce qu’on peut appeler l’application de la sténographie à la mu- sique. Ce n’est pas tout : M. Sudre, pour qui l’invention la plus ingénieuse paraît être peu de chose tant qu’il reste quelque moyen de perfectionnement, n’a pas cru devoir se borner à traduire en musique sa langue maternelle; il est parvenu à faire parler à son instrument Vitalien, Y espagnol, l’allemand., Y anglais et même le russe, et avec une concision telle , que le plus long mot des languis du Nord est rarement rendu par plus de deux ou trois notes. Rien de plus singulier, de plus in- compréhensible que de voir le savant professeur transmettre une phrase anglaise , italienne ou allemande à son élève qui ne connaît aucune de ces langues, la transmettre par quelques sons insignifians, et cet élève vous rapporter la phrase litté- rale sans la moindre faute d’orthographe , sans la moindre inexactitude. Pour le coup, nos lecteurs vont crier à l’impossible ! et nous concevons leur incrédulité; heureusement il est un excellent moyen de la faire cesser, c’est d’assister aux expériences de M. Sudre, qui auront lieu demain jeudi, rue de l’impératrice, à l’ancienne salle du Conservatoire, vers midi. Nous ne crai- gnons pas qu'après la séance on vienne accuser l’habile artiste de charlatanisme et le Lynx d’exagération. LE FRANC-JUGE. Dimanche 21 Septembre 1834 • LANGUE MUSICALE. M. Sudre, inventeur de la langue musicale , vient d’arriver à Bruxelles. Nous allons donc pouvoir assister à ces séances remplies d’un intérêt si vif et que nous ne pouvions apprécier jusqu’ici que d’après les rapports des journaux. C’est une heu- reuse nouvelle à répandre que celle de la présence parmi nous de ce Prophète des sons, comme on l’a surnommé. Les plus éton- nans résultats sont dus aux longs travaux, à l’infatigable per- sévérance de M. Sudre ; au moyen de quelques sons, il trans- met à de grandes distances des mots, des ordres, des phrases entières, et n’allez pas croire que celte manière de lier la con-
•— 46 versation avec un individu placé à une lieue de vous soit res- treinte aux seules ressources d’une langue, ce qui au reste se- rait déjà passablement extraordinaire, on peut causer en fran- çais, en italien, en espagnol, en allemand, en anglais, et en russe; douze signaux télégraphiques, représentés par les sons du clairon, suffisent pour exprimer toutes les combinaisons de la pensée humaine. L’invention de M. Sudre a cela de remar- quable particulièrement, que les sons ne deviennent nécessaires qu’à cause de l’éloignement entre les interlocuteurs, car il a mis en rapport d’expression de pensée un aveugle et un sourd- muet. Nous empruntons une partie des détails qui suivent à un journal de Paris. « M. Sudre a exposé son ingénieux système, déjà honoré du suffrage de plusieurs commissions. D’abord, ayant converti la musique-en une langue phonétique , il dicte , à l’aide du violon, certains mots écrits par des assistans, et que transcrit une per- sonne qui écoute dans une salle voisine. Mais quand, passant de l’analyse à la synthèse, il fait de la musique une véritable sténographie, et transmet à l’aide du cornet, par des sons sim- ples et très-faciles à apprécier, des mots entiers, des phrases entières, alors on doit reconnaître qu’il a parfaitement résolu un problème des plus difficiles. Aussi, toutes les fois que l’in- terprète venait reciter la dictée de l’instrument, les auditeurs témoignaient-ils vivement leui’ étonnement et même leur admi- ration. Les applications immédiates de ce système à l’art mili- taire et à la marine ont été signalées dans les divers rapports. ]\ous ne souhaitons pas une guerre pour la plus grande gloire de M. Sudre ; mais ; de même que l’on fond en temps de paix les canons qui doivent servir au jour du danger, de même la Téléphonie, qui peut devenir une arme puissante, a droit aux encouragemens de l’autorité. M. Sudre ne passera que peu de jours à Bruxelles, et pour- tant c’est avec un jeune homme belge, à qui dans ce court espace de temps il va donner ses instructions, que l’inventeur de la langue musicale nous rendra témoins des merveilles qu’il produit.
— 47 — MONITEUR BELGE, journal officiel; Dimanche 28 Septembre i835. DE LA LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. Toutes les inventions qui ont pour but de faciliter les com- munications , d’opérer avec plus de rapidité le transport de la pensée , sont de véritables conquêtes pour la civilisation, lors même qu’elles ne semblent pas offrir une utilité immédiate et directe. Un nouveau et bon système de communication intel- lectuelle étant donné, laissez faire au temps et au génie de l’homme pour en trouver les applications. Le plus difficile est l’invention du système, l’application vient pour ainsi dire toute seule. Pouvons-nous apprécier encore toute la portée de l’in- vention des frères Chappe ? Si la poste télégraphique, convena- blement établie, remplaçait la poste ordinaire, de quel avantage ne serait pas la rapidité de communication obtenue pai- ce moyen ! Inventons d’abord, perfectionnons ce que nous avons inventé ; d’autres viendront qui mettront en œuvre la décou- verte et obtiendront d’utiles résultats. Voici venir M. Sudre qui a créé une nouvelle langue, une langue qui peut tout exprimer, tout dire , et qui, au moyen des combinaisons savantes de l’inventeur, peut se traduire en fran- çais , en italien, en anglais, en allemand et en russe. Cinq notes sont les seuls radicaux dont cette langue est composée. Le clairon , dont le son peut s’entendre à de grandes distances, en est l’organe. Nous avons été témoin des expériences de M. Sudre ; voici en quoi elles consistent. Plusieurs personnes de l’assemblée écrivent un mot, une phrase, un ordre de service militaire que M. Sudre traduit en langue musicale sur le violon ou sur le clairon, et que son élève transcrit ensuite en français sur le papier. Les mots et les phrases qui ont été proposés à la séance du jeudi sont : Bonjour. — J'aime cette méthode. — L'homme le plus utile à la société, cest l’inventeur. — M. Sudre est le Méphistophélès de la musique. — Tu es un ange, et je t'aime de toute mon âme. —- On entend le canon du coté de Saint- Cloud.
, —• 48 —*’ Tout cela a été traduit en langue musicale immédiatement, sans hésitation, et expliqué de même par l’élève qui n’avait entendu que les sons tirés de l’instrument. Les travaux que M. Sudre a faits pour parvenir à de tels résultats sont immenses : non-seulement son invention est un trait de génie ; mais, pour la conduire à bonne fin, pour la développer, pour la faire ce qu’elle est, il a fallu une patience et un dévoùment à toute épreuve. M. Sudre a sténographié en langue musicale environ 86,000 mots contenus dans les six dic- tionnaires français, allemand, italien, anglais, espagnol et russe. Et cependant sa méthode est si simple, qu’il a suffi à son éleve de huit leçons pour saisir toutes les combinaisons du nouveau langage musical. Le général Desprez, qui avait été nommé président de la commission militaire chargée de l’examen du système deM.Su- dre , a reconnu tous les avantages que l’on pourrait en obte- nir pour les mouvemens des troupes en temps de guerre, où le succès dépend souvent d’une manœuvre. Ce système est susceptible de beaucoup d’autres applications. Nous rappelons aux artistes et aux amateurs qu’aujourd’hui dimanche, à midi , une deuxième et dernière séance aura lieu au local du Conservatoire, LE LYNX. Samedi 27 Septembre 183 J. SÉANCE DE M. SUDRE. La séance téléphonique de M. Sudre , ayant coïncidé avec la répétition du concert-monstre , n’avait pas attiré un nom- breux auditoire ; mais chaque personne a pu d’autant mieux se convaincre de l’importance de cette utile découverte. Beaucoup de dames ont écrit des phrases et des mots qui ont été traduits à l’instant par M. Ch. Dancla , son élève, sans aucune erreur ; voici quelques-unes de ces phrases : L'invention est ce qui rapproche le plus l’homme de la divinité. L’homme le plus utile à la société c’est V inventeur. M. Sudre est le Méphistophélès de la musique. AI. Dancla s’est fait beaucoup applaudir, sur le violon ,dans un air varié de sa composition , plein de difficultés et d heu- reux motifs. Nous engageons ce jeune artiste à continuer ses
—— 49 •— études, qui lui feront prendre rang parmi les artistes du talent le plus distingué. Un clairon, pris une heure d’avance à la caserne Ste-Eli- sabeth , a rendu les mots et les ordres qu’on lui donnait à jouer ; et ils étaient interprétés de même et sans hésitation par M. Dancla, placé dans un appartement voisin. Le vicomte de Pontécoulant ayant donné l’avis militaire suivant : On entend le canon du coté de St-Cloud. Trois notes sur le clairon ont suffi pour transmettre cet avis. Les douze signes télégraphiques de M. Sudre ont prouvé combien ils seraient importans pour la simplification des signaux visuels , puisqu’ils pourraient remplacer les 198 si- gnaux de la télégraphie des gouvernemens , attendu qu’ils peuvent rendre les sons de toutes les langues, comme M. Sudre l’a prouvé. On conçoit que les commissaires français de la Guerre et de la Marine, dont le général Després faisait partie, aient reconnu et apprécié l’importance du système de M. Sudre. Le succès obtenu par M. Sudre l’a engagé à donner une seconde et dernière séance, où les personnes les plus distin- guées s’empresseront d’assister ; elle aura lieu dimanche à midi précis. L’INDÉPENDANT. Mercredi 24 Septembre 1834» DE LA LANGUE MUSICALE Inventée par M. Sudre. Nous avons annoncé , il y a deux jours, l’arrivée à Bruxelles de l’inventeur de la langue musicale. M. Sudre a choisi cette époque pour venir nous visiter , parce qu’il veut profiter de la réunion du grand nombre de musiciens qui se trouvent en ville , pour leur donner une idée de sa méthode. Il a pensé, avec juste raison, que c’est d’abord par les musiciens qu’elle doit être appréciée, afin que ceux-ci en répandent l’intelli- gence dans cette partie du public qui, sans nier l’importance de l’invention , y resterait incrédule si les hommes de l’art n’étaient là pour faire cesser tous les doutes. 4
— 50 — M. Sudre se propose donc de donner jeudi prochain une séance publique de ses expériences, à laquelle tous ceux qui portent intérêt à la science ne manqueront pas d’assister. Nous ne connaissons pas encore nous-mêmes les résultats de la mé- thode de M. Sudre , mais nous avons ht plusieurs articles de journaux, et divers rapports officiels de commissions nommées à l’effet de l’examiner , qui ne nous laissent pas le moindre doute sur la réalité de l’invention. Nos lecteurs nous sauront de plaisanterie; au théâtre et dans les romans , j’avais vu des :, tantôt tantôt par le refrain d’une ariette. gré de mettre sous leurs yeux quelques fragmens de ce que nous avons lu sur cet intéressant sujet. Voici ce que nous trouvons dans un journal de Paris du 24 juin dernier : « Je m’étais figuré bien autre chose, quand onmeparla pour la première fois de l’invention de M. Sudre. Je n’avais ja- mais pu envisager un essai de ce genre que comme une sorte 1 1 • ,_*_ __ufl /Aj.__L J___ 1__________ ________ J amans correspondre en dépit de tuteurs et de jaloux sur l’air d’une romance , f * "*" 1------ J’— Ceci était une affaire de convention. Je pensais que M. Sudre n’agissait .pas autrement ; je croyais qu’il exprimait une pensée, mais jamais une phrase, jamais un mot ; et quand on m’an- nonça la visite de ce savant, je m’attendais à être inondé de torrens d’harmonie : j’invitai des amateurs de musique. Le bruit se répandit que je donnais un concert. » M. Sudre arriva avec son violon et deux élèves. L’un de ses élèves portait un clairon. Mes amis se regardèrent ; c’était la première fois qu’ils entrevoyaient la possibilité d’un duo en- tre un violon et un clairon ; et, en attendant que quelques re- tardataires fussent arrivés , je causai avec M. Sudre qui, dès les premiers mots, m’inspira une confiance que le talent seul, fort de lui-même et de sa supériorité intime , a le pouvoir de faire naître. Avec sa parole méridionale, son regard et son geste qui expriment si énergiquement la conviction profonde de cet homme, qui a passé vingt ans de sa vie à créer une lan- gue qui ne laisse rien à désirer, quand des peuples entiers, après des siècles , manquent de ternies et d’expressions , il me dit tout ce qu’il avait souffert de déceptions et de décourage- ment malgré les expériences les plus multipliées et les plus satisfaisantes. Et je le compris : il y a non seulement de la froideur chez les hommes appelés à juger du génie des autres hommes , mais plus souvent encore de l’envie : sentiment hon- teux et misérable qui se retrouve au plus haut comme au plus bas degré de l’échelle sociale , dans tous les rangs , dans tou- tes les professions. »
— 51 — ( La continuation de cet article se trouve dans la Quoti- dienne du 24 juin 1834 , déjà cité ci-avant ). On pourrait croire que ce qu’on vient de lire n’est qu’un article de complaisance , écrit par un ami de l’auteur. Cette supposition n’est plus admissible quand on connaît le dernier rapport fait à l’Académie royale des beaux-arts , le 14 sep- tembre 1833. En voici quelques extraits : « M. Sudre a présenté à l’Académie , en janvier 1828 , un système de langue musicale qui fut l’objet d’un rapport fa- vorable. » Depuis lors il s’est occupé à étendre et à perfectionner son travail qu’il a récemment soumis au jugement de l’Aca- démie. » En créant une langue artificielle , M. Sudre a voulu réu- nir plusieurs avantages : il a voulu fournil’ un mode de com- munication capable d’exprimer toutes nos idées; il a voulu que la nouvelle langue fût susceptible d’être rendue par des sons, par des caractères , par des gestes $ qu’elle pût servir soit à communiquer de près, soit à communiquer rapidement au loin; qu’elle pût à volonté être employée, ou pour communi- quer sans mystère, ou pour établir des communications se- crètes ; enfin , que le système de sons ne fût pas susceptible , comme la prononciation des langues parlées , de changer suc- cessivement avec le temps, mais qu’il fût de sa nature inal- térable. » Vous voyez, messieurs, que M. Sudre s’est proposé un problème tellement compliqué qu’il a voulu réunir toutes les conditions que se sont proposées séparément les auteurs de langues artificielles qui ne s’occupent que des signes, et qu’elles présentent entre elles des oppositions si fortes qu’elles paraissent devoir' s’exclure. » Cependant , ce problème, M. Sudre l’a résolu et il Va résolu dans toutes ses parties, etc.»
L’ÉMANCIPATION. Mardi 2 3 Septembre 1834« LANGUE MUSICALE. Au moment où M. Sudre se dispose à donner à Bruxelles une séance de la langue musicale , nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur faisant connaître un extrait des différons rapports faits en France sur cette précieuse découverte. Les notabilités musicales, scientifiques et militaires qui ont examiné ce système , soit dans sa naissance, soit dans ses ap- plications , soit enfin dans les perfectionnemens que l’auteur y a apportés , donnent à M. Sudre de justes et beaux éloges , et font connaître en même temps le service important que cet ar- tiste distingué vient de rendre à la science. Nous avons remarqué avec plaisir que le général Després avait été le président de la commission militaire, et les grands talens de cet officier général ont été trop bien appréciés dans ce pays, pour que sou opinion sur l’utilité de la langue musi- cale ne soit d’un grand poids , et en même temps une recom- mandation de plus en faveur de M. Sudre. (Suivent les Extraits des quatre rapports qui ont déjà été cités}. LE LYNX. Mardi 3o Septembre 183^. Si le succès obtenu par M. Sudre dans sa première séance a justifié complètement les éloges que nous lui donnions dans notre numéro du 25 , la séance d’hier a fait sa réputation par- mi nous , à en juger du moins par l’admiration toujours crois- sante avec laquelle une réunion composée de l’élite de la so- ciété a accueilli les expériences de plus en plus merveilleuses de l’ingénieux artiste. C’est un beau titre de gloire que le suf- frage d’amateurs tels que M. Fétis, directeur du Conservatoire de Bruxelles ; de M. Daussoigne-Méhul, directeur du Conser- vatoire de Liège ; de M. Lesbroussart, directeur de l’instruc- tion publique, et de bien d’autres personnages distingués par leurs connaissances et leurs talens, et dont nous ne donnerons pas ici la liste.
— 53 — M. le ministre de la guerre, qui assistait à la séance, à pro- posé à l’auteur la transmission de divers ordres plus ou moins compliqués, et ce n’est pas sans un étonnement difficile à peindre qu’il les a reçus traduits littéralement et, pour ainsi dire, avec la rapidité de l’éclair par le jeune Dancla. Nous nous rappelons, entre autres, l’ordre suivant rendu par trois notes seulement : Envoyez-nous de la cavalerie. Ce qui fait surtout le mérite de l’invention de M. Sudre , ce qui rend son système d’abréviation tout-à-fait incompréhen- sible aux sténographes les plus habiles, c’est cette facilité avec laquelle il rend plusieurs mots par un son : l’ordre cité plus haut, par exemple, se compose de cinq mots, et la traduc- tion de trois sons seulement ; il faudrait, pour rendre sténo- graphiquement la même phrase, cinq signes et même plu». La différence est donc toute à l’avantage du système de M. Sudre. Ce n’est pas tout: si M. Sudre se bornait à rendre le sens des ordres qu’il est chargé de transmettre, sans s’attacher pré- cisément aux mots, notre étonnement cesserait, car il n’est pas impossible de réunir une certaine quantité d’ordres pure- ment stratégiques et d’y appliquer des signes ou des notes di- verses plus ou moins nombreuses ; mais il n’en est pas ainsi : c’est littéralement que les phrases soumises à la traduction sont rendues, et voilà , nous l’avouons, ce qu’il nous est impossible dè concevoir. La préoccupation qu’avaient si naturellement produite les expériences de M. Sudre, n’a pas empêché le jeune Dancla de ramener à lui toute l’attention , tout l’intérêt de la société, quand il est venu lui offrir quelques-uns de ses heureux suc- cès. C’est le plus bel éloge que nous puissions faire du talent si remarquable de ce jeune homme qui promet à la France un artiste du premier ordre. M. Sudre a terminé la séance en chantant avec beaucoup de goût plusieurs romances fort remarquables de sa composition, parmi lesquelles nous en avons distingué une surtout où le mérite de la poésie le dispute à celui de la musique, et ce n’est certes pas sans raison que nous disions, en commençant cet article, que sa réputation est désormais faite parmi nous.
DE LA PRESSE ANGLAISE SUR LA LANGUE MUSICALE UNIVERSELLE INVENTÉE PAR M. SUDRE. MORNING HERALD. 37 Juillet i835. LANGUE MUSICALE. SÉANCE DONNÉE CHEZ S. A. R. LE DUC DE SUSSEX , PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES. M. Sudre, l’inventeur de la langue musicale , dont le nom a déjà été plus d’une fois mentionné honorablement par la presse, vient d’être présenté à son altesse royale le duc de Sussex. Le savant français a fait plusieurs expériences en pré- sence de son altesse royale pour prouver la possibilité d’appli- quer son système téléphonique à toutes les langues vivantes. Le duc a exprimé sa satisfaction au sujet du résultat rapide et complet de ces expériences. Il a félicité l’auteur sur la réussite de ses travaux aussi bien que sur sa persévérance, et a daigné ajouter qu’il croirait rendre un service à son pays en faisant connaître une découverte qui, dans son opinion, doit être utile à toutes les nations civilisées. Al. Children , secrétaire de la Société royale, était présent à cette réception , ainsi que le chevalier Bérardi, savant linguiste romain, qui a écrit les phrases dictées par son altesse royale en hébreu, en grec , en italien, français, espagnol, allemand, anglais, suédois, hol- landais ; et, malgré les difficultés offertes par les inflexions et les aspirations de tant de langues différentes, M. Sudre , au moyen de son instrument, les a communiquées avec une pré- cision d’autant plus surprenante que son jeune élève, qui était placé au bout de la longue galerie de la magnifique bibliothè- que de son altesse royale, les a répétées avec fidélité, quoiqu’il ne connût que sa propre langue. Plusieurs autres savans assis- taient à cette audience qui a duré plus d’une heure, et pen- dant laquelle son altesse royale a donné des preuves d’une mémoire extraordinaire en citant plusieurs cas dans lesquels
— 55 — la langue musicale eût pu être employée avec le plus grand avantage. Elle a examiné, avec une attention vraiment flatteuse pour l’auteur, les améliorations successives qu’il a apportées à son système ; et, au départ de M. Sudre, son altesse royale lui a dit, avec cette urbanité qni la caractérise, qu’elle était heureuse d’avoir fait connaissance avec un homme de tant de mérite, et qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser l’introduction en Angleterre , d’un système à la fois utile à l’art militaire et si plein d’avantages pour le monde commercial. TIMES. io Juillet 1835. LANGUE MUSICALE UNIVERSELLE. M. Sudre , savant français, a donné, mercredi passé, une séance sur la langue musicale universelle , dans le cours de la- quelle il a fait plusieurs expériences intéressantes pour démon- trer les différentes applications de son système , aussi bien que la possibilité de mettre en pratique le moyen de communiquer par des notes de musique, soit avec la trompette ou le clairon. Sa séance a été divisée en deux parties. Dans la première , il a prié les personnes présentes d’écrire sur du papier des mots ou des phrases quelconques, lesquels il se proposait de commu- niquer à un de ses élèves, placé à l’autre bout du théâtre , au moyen de son violon. Le succès a répondu pleinement à la promesse faite par l’auteur ; l’élève a répété verbalement cha- que mot écrit qui lui a été transmis par les notes de l’instru- ment. M. Sudre a aussi exposé un mode ingénieux de commu- niquer par la vue, 1’ouie et le toucher avec les aveugles et les sourds-muets. La deuxième partie de sa séance a été remplie par des expé- riences sur son invention télégraphique qu’il appelle télépho- nie. L’avantage de ce mode de communication sur la méthode télégraphique maintenant en usage , consiste en ce que la télé- phonie ne peut être influencée par les accidens atmosphériques ou par des causes locales qui interceptent la vue. Le son d’une forte trompette peut atteindre la distance de trois milles, de manière qu’une communication pourrait être transmise à une
— 56 — distance de dix milles dans l’espace de dix minutes ; c’est-à-dire un tiers du temps employé par le système télégraphique actuel. Cependant, M. Sudre n’a point expliqué comment les obsta- cles atmosphériques pourraient être vaincus, même par ce mode de communication, et son esprit doit être exercé sur ce point, d’autant plus que l’expérience de chaque jour fait voir que le moindre courant d’air soufflant dans une direction con- traire à celle d’où vient le son , empêcherait de l’entendre au- delà d’un demi-mille. Tout le monde connaît l’anecdote de la sentinelle que l’on dit avoir été mise en jugement pour avoir été trouvée endormie à son poste, au château de Windsor, et qui prouva qu’elle était éveillée en assurant que l’horloge de Saint-Paul avait sonné treize heures au lieu de douze cette nuit-là , ce dont la vérité fut démontrée. Le soldat en question était probablement doué d’une portion peu commune de fa- cultés acoustiques, et aidé par une tranquillité extraordinaire de l’atmosphère, pour avoir découvert l’irrégularité de l’hor- loge de Saint-Paul dans cette occasion particulière ; mais nous doutons beaucoup qu’un phénomène tel que celui du son trans- mis à une si grande distance, puisse arriver plus d’une fois en cinq ans. L’auteur de cet article pourrait rapporter une cir- constance encore plus étonnante ( au premier aperçu ) du pro- grès du son lorsqu’il est favorisé par l’état de l’atmosphère. Un soir qu’il était assis à la fenêtre de sa maison en Europe, il écouta pendant plus d’une heure les sons d’un violon dont on jouait en Asie. 11 n’y a qu’un seul endroit au monde où cela soit praticable, et c’est sur les rives du Bosphore. La dis- tance n’est cependant que d’un couple de milles, et quoique l’individu en question occupât la même maison pendant les douze mois entiers suivans , et qu’on jouât du violon presque tous les soirs sur la rive opposée, le son de l’instrument ne lui est jamais parvenu une seconde fois. Le système télégra- phique de M. Sudre est néanmoins très-ingénieux, et pourrait être employé avec un grand avantage pour la transmission d’ordres entre des corps de troupes séparés par de grands espaces.
— 57 — MECHANIC’S MAGAZINE. 4 Juillet 1835. LA TÉLÉPHONIE OU LE TÉLÉGRAPHE MUSICAL. En janvier 1828 , M. Sudre présenta à l’Académie des beaux- arts , en France , le projet d’une langue universelle , formée des sept notes de la musique, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, diver- sement combinées, à laquelle on donne, en conséquence , le nom de Langue musicale. Un comité de l’Académie, dans lequel on comptait des phi- losophes les plus distingués de notre époque , MM. de Prony, Arago et Fourier, dit dans son rapport que « diverses expérien- ces exécutées et renouvelées en leur présence , les avaient amenés à conclure que l’auteur avait parfaitement atteint le but qu’il s’était proposé, celui de créer une véritable langue musicale, et qu’un système de communication télégraphique pouvait s’établir par ce langage , à l’aide d’instrumens de musique ; que ce système serait de beaucoup supérieur à tous ceux aujourd’hui en usage, d’autant plus qu’il donnait aux hommes la possibilité de correspondre instantanément entre eux, à de grandes distances, non seulement au milieu des plus pro- fondes ténèbres, mais encore dans des circonstances où, même en plein jour, aucune communication n’était possible par des signes visibles. L’invention fut, dans la suite, renvoyée parle ministre de la Guerre à une commission militaire, présidée par le baron Des- prés, et qui fit sur elle un rapport non moins favorable. Après avoir établi que, dans leur opinion, la langue musicale pou- vait être éminemment utile, en établissant une correspondance entre les différens corps d’une armée , les commissaires citè- rent plusieurs circonstances remarquables où ce moyen aurait pu sauver l’armée française d’une défaite, telles que la bataille de Bussaco, où l’attaque des troupes françaises échoua, «parce qu’une division, arrêtée dans sa marche par une large coupure, ne put sur-le-champ en prévenir les autres séparées d’elle par les anfractuosités d’une montagne , et dont elle entendait cependant les instrument militaires. Ce fut encore la difficulté de promptes communications directes dans un pays montueux, qui fit manquer’ l’attaque des troupes françaises à Forroren (en Espagne) pour débloquer cette place investie par nos soldats.
— 59 — L’invention de M. Sudre fut ensuite soumise à l’examen d’une commission d’officiers de marine, dont l’opinion una- nime fut que « ce système serait un puissant auxiliaire aux moyens actuellement employés dans la marine, et qu’on de- vait l’adopter immédiatement. » Une série d’expériences fut faite par cette commission dans la rade de Toulon; il en ré- sulta que « au moyen de la langue musicale, il suffisait de deux minutes pour transmettre, d’un point à un autre, à une di- stance de 1,500 toises, trois ordres pris dans le livre des signaux. Enfin, le système fut soumis à un comité formé des cinq Académies de l’institut de France; M. Sudre y ayant apporté de nouveaux perfectionnemens qu’il n’avait pas lorsqu’il le présenta pour la première fois à l’Académie des beaux-arts, le comité fit un rapport (adopté par l’institut) dont nous citons les extraits suivons. (Le journal cite ici l’extrait du l’apport inséré dans le Moni- teur du 11 mars 1835. Voyez page 18.) L’instrument particulier dont nous avons parlé dans le der- nier extrait est le cor français ou trompette, qui peut se faire entendre à une distance de trois milles ; c’est aussi l’instrument qui, très-probablement, serait employé de préférence dans tous les cas de communication éloignée ; néanmoins, toute espèce d’instrument peut certainement devenir Vorgane de ce nouveau langage. AI. Sudre est maintenant à Londres-, où il est venu avec l’intention d’exposer au public anglais tous les détails de son système. Il nous semble que , malgré la gravité et l’importance des différons rapports que nous avons cités en sa faveur , il n’a reçu que de bien faibles encouragemens de la part de son propre pays. Espérons qu’une meilleure fortune l’attend au milieu de nous. Son système, dans sa conception générale , est d’une grande simplicité, et nous semble capable de produire des avantages très-étendus. M0RN1NG HERALD. 9 Juillet i835. LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. M. Sudre, dont l’invention a été accueillie en France avec une grande faveur, a développé hier, dans la salle des con- certs du théâtre du roi, le mode aussi utile que nouveau de
— 59 — communiquer la pensée au moyen des signes et des sons em- pruntés à la musique. Il réussit à prouver que, le premier, il avait eu le mérite d’inventer un système analogue à celui de la sténographie, par lequel les syllabes des mots pouvaient être rendues avec une singulière rapidité. Il n’emploie, pour cet ef- fet , que les sept notes de la gamme et les syllabes du solfège. Un enfant qu’il a formé et initié au mystère de son invention, prouve la puissance et l’exactitude de sa méthode. Ainsi, un des auditeurs, quel qu’il soit, lui remet une phrase écrite sur un morceau de papier, et quelle que soit la langue , il la parle sur son violon; l’enfant, rassemblant les mots séparés tels qu’ils sont dans les sons , les écrit avec de la craie sur un ta- bleau , tandis que , et au même moment, M. Sudre les écrit lui-même sui' un autre tableau que les assistans seuls peuvent ' voir, et auquel l’enfant tourne le dos. Le résultat obtenu hier après de nombreuses expériences, prouve U exactitude inva- riable de l’instrument. Il en fut de même lorsque M. Sudre , quittant son violon, résolut une phrase qu’un des auditeurs avait empruntée au solfège ; l’enfant la rendit avec la même promptitude. Ce système peut aussi s’effectuer sur les doigts. Sa grande utilité trouverait son application dans les armées et dans la marine, en transmettant les ordres de vaisseau à vais- seau , d’un.poste à un autre, par le son de la trompette. Pour qui n’entend rien à la sténographie , la surprise est grande de voir M. Gurney renfermer cent lignes d’écriture ordinaire en dix et même cinq lignes d’écriture sténographique ; quel ne doit donc pas être l’étonnement dans ce nouvel exemple Ao,mul- tum in parvo ? Dans les deux systèmes , ce sont des signes arbi- traires qui expriment beaucoup d’idées. En France, les com- missions d’enquête militaire, navale et académique ont décerné à M. Sudre les témoignages les plus flatteurs sur le mérite réel et l’importance de son ingénieux système. Cela seul suffira pour1 le recommander à l’attention publique. Les efforts pour arriver à ce résultat ont dû exiger une grande persévé- rance et une haute intelligence que l’on ne doit pas laisser sans récompense. LE PANORAMA DE LONDRES. 3i Juillet 1835. M. SüDRE. P LANGAGE MUSICAL. La diversité des langues est sans contredit un des plus grands obstacles aux progrès de la civilisation et des lumières. Auxli-
— 60- mites de chaque empire, la langue qu’on y parle élève pour les étrangers une barrière aussi difficile à surmonter que les murailles construites en Chine pour se garantir des invasions des Tartares. Une pensée ne peut, dans l’état actuel, devenir universelle qu’après avoir subi de nombreuses transformations dans l’expression ; combien de fois n’arrive-t-il pas alors que cette pensée perd tellement à chaque changement de forme , à chaque translation d’une langue dans une autre, qu’au bout d’un certain temps elle est complètement méconnaissable ; un des bienfaits qui résultent des conquêtes (et peut-être c’est le seul réel), c’est de réunir de nombreux états sous une même loi et dans une même langue. C’est dans ce sens que les con- quérans accomplissent une loi providentielle de civilisation. Combien de siècles n’eût-il pas fallu pour répandre l’évangile si le Christ eût paru lorsque le pouvoir naissant de la républi- que romaine ne s’étendait pas au-delà des collines de Rome ou des rives du Tibre? Combien au contraire fut sensée la di- rection des apôtres se rendant à Rome, maîtresse sous les Césars de l’univers civilisé. Il n’y avait alors qu’une loi, qu’une langue, qu’une domination, et c’était celle de Rome : du haut du Capitole, des ordres étaient portés sur les ailes des aigles romaines aux extrémités du monde connu ; et c’est le Capitole que les disciples du Christ choisirent pour en faire le centre des rayons de la lumière évangélique. Une langue commune à tous les peuples serait donc un bienfait et un progrès pour ré- pandre la civilisation. Sous ce point de vue le système de langage universel inventé par M. Sudre est un progrès, et son application pourrait être suivie des plus heureux résultats, quand même cette langue musicale ne serait adoptée que par les savans. En effet, que de temps perdu pour les meilleures découvertes, pour les ouvra- ges les plus utiles , avant que des traductions aient pu se faire dans les nombreux dialectes qui divisent l’Europe et le monde? C’est un des privilèges des esprits supérieurs que de simplifier les méthodes ; et faire avec sept notes ce que l’on fait avec vingt-quatre , vingt-six et même trente-sept lettres comme dans la langue russe, est certes un perfectionnement aux systèmes de langage existans. La séance donnée par M. Sudre dans la salle du King’s Concert n’a rien laissé à désirer. M. Sudre avait annoncé que par son système on pouvait communiquer à l’aide d’un instru- ment de musique. Une phrase a été donnée ; M. Sudre a pris son violon, en a tiré quelques sons, et un élève est venu écrire sur un tableau la phrase qu’il avait saisie. L’élève et M. Sudre ont écrit la même phrase en même temps sur un tableau res-
— 61 — pectif, sans que l’élève pût voir celui du maître. M. Sudre a transmis ainsi avec un plein succès plusieurs phrases à l’aide d’un violon. Plus tard, M. Sudre a fait transmettre un avis par les clairons, et a démontré par cette expérience les avantages que l’on pourrait retirer des sons télégraphiques pour l’art mili- taire et la marine. Ajj rapport de quelques voyageurs, ce moyen est employé en Chine. On transmet des ordres par le canon. Le citoyen Chappe , en faisant ses essais télégraphiques, avait eu égale- ment la pensée d’employer les jonj comme il avait tenté d’em- ployer aussi l’électricité. Ces tentatives ne répondirent pas sans doute à son attente , puisqu’il y renonça. Le moyen télégraphique , ou de communication à 1 aide des sons a été souvent employé ; nous ne citerons qu’une circon- stance clans laquelle ce moyen était un bienfait. On lit dans l’his- toire de l’inquisition d’Espagne , que les malheureux à qui le silence le plus rigoureux était prescritdans les prisons du Saint- Office communiquaient entre eux , quand un mur les séparait, en frappant de petits coups avec les doigts sur les murs de leur cachot, et cette communication , toute imparfaite qu’elle était, leur semblait douce et consolante ; elle brisait l’accablant en- nui de la solitude. Si le système de M. Sudre se bornait à la communication par des sons, et que les moyens employés fussent nombreux et d’une grande dépense de temps, cela nous paraîtrait moins heureusement imaginé; mais M. Sudre a su faire de son moyen de communication une espèce de sténographie , et sous ces dif- férons points de vue, M. Sudre a fait preuve d’aussi grands talens pour le perfectionnement que pour l’invention , et la société doit lui tenir compte de ses veilles et de ses labeurs. Faisons des vœux pour que le système de M. Sudre soit appré- cié , et surtout pour qu’une langue générale devienne un lien commun entre les hommes, et détruise tous les petits intérêts de localité si contraires au bonheur de l’humanité. Dr. B. (L’Abeille de Londres.) MORNING POST. io Juillet 1835. LANGUE MUSICALE UNIVERSELLE. Un ingénieux français, M. Sudre, a inventé un moyen de communiquer les idées de toute espèce, les plus compliquées
•— 62 comme les plus simples, d’après une série R expressions musi- cales. Il a donné, mercredi matin, dans la grande salle des concerts du théâtre du roï , une séance dans laquelle il a déve- loppé , de la manière la plus satisfaisante et la plus étendue, toutes les applications de son ingénieux système. L’instrument de communication auriculaire dont il fit usage dans la première épreuve était un violon; dans la seconde, il se servit d’un cor français : toutefois on atteindrait le même but avec tout autre instrument. Une série de phrases, recueillies indistinctement parmi les auditeurs, furent traduites par M. Sudre dans son langage musical, et simultanément communiquées à un autre individu, son élève, placé à une distance considérable. Cet individu, à mesure qu’il percevait les sons, consistant uni- quement en certaines notes exprimées par l’un ou l’autre des instrumens susnommés, les transcrivait en grosses lettres, et à la craie, sur un grand tableau. Quelquefois enfin , il répétait verbalement les phrases , et d’autres fois il les rendait par la notation musicale écrite ( car dans ce système, la notation est à la fois concise et suffisante ), dans la langue dans laquelle elles avaient été faites d’abord, ou en phrases musicales que M. Sudre interprétait à son tour. Que ce système soit applica- ble à tous les modes d’énonciation aujourd’hui connus, et qu’il ait un droit légitime et incontestable au titre d’uNivERSEL, pour ce qui regarde la communication des idées, nous pouvons don- ner' les plus amples témoignages contre toute espèce de doute. Nous fûmes témoins de ce qu’il pouvait produire en six lan- gues différentes, et dans toutes il réussit. Le fait sur le- quel JW. Sudre a fondé son système n’est pas nouveau dans l’histoire des moyens d’énonciation employés par les hommes, pour rapprocher les distances, et les personnes qui ont pu en- tendre les cornets d’Uri retentir dans les vallées de la Suisse, ou qui ontlu les effets produits de nosjoursdans les sociétés sauvages et même civilisées ( dans l’Amérique centrale, par exemple, ou en Irlande ), par certaines combinaisons des sons qu’émettent de grossiers instrumens à vent, ces personnes, disons-nous, comprendront parfaitement la vérité de nos observations. Mais nous croyons, en stricte justice, devoir accorder à M. Sudre le mérite d’avoir appliqué à ces élémens imparfaits la puissance créatrice du génie , et de les résoudre en formes distinctes, qui, proportions gardées , promettent d’être aussi utiles au genre humain que le furent les caractères inventés par son pré- décesseur Cadmus. Deux rapports extrêmement favorables à l’invention , et en- core plus flatteurs pour l’inventeur, ont déjà été faits par des commissions nommées par les ministres de la Guerre et de la
— 63 — Marine française, afin d’examiner jusqu’à quel point elle pour- rait être utile en temps de paix ou de guerre. Un autre rapport, adressé à l’Académie des beaux-arts par des commissaires spé- ciaux pris dans son sein, et un autre aussi, fait à l’institut royal de France, par les cinq Académies qui le composent, sont autant d’honorables témoignages rendus à l’importance de l’in- vention et au génie de M. Sudre. Ce nouveau mode pourrait surtout servir comme une espèce de signal nocturne pour les troupes, et s’appliquerait avantageusement, selon nous , dans nos armées, comme on le fera probablement dans celle de nos voisins, toutes les fois que besoin en sera. Les caractères en sont très-simples , et par conséquent très-faciles à apprendre. THE COURT JOURNAL. il Juillet i835. LANGUE MUSICALE DE M. SUDRE. M. Sudre, qui a inventé un système pour communiquer les idées au moyen d’une série d’expressions musicales, a donné, mercredi matin , dans la salle des concerts du théâtre du roi, une séançe où il a développé , dans toute leur étendue, les explications de son système. Le moyen de communication dont il se servit dans la première épreuve était un violon , et dans la seconde , un cor français. Une série de phrases recueillies parmi les auditeurs furent rendues par lui dans sa langue mu- sicale, et communiquées à une autre personne placée à une distance considérable. Cet individu , à mesure qu’il percevait les sons, communiqués seulement par certaines notes de l’un ou de l’autre des instrumens susnommés, et diversement com- binés , les transcrivait sur-le-champ en lettres. Quelquefois aussi il les répétait verbalement , et d’autres fois il les re- traduisait , du langage musical écrit , dans la langue où ils avaient été émis d’abord, ou en phrases musicales que M. Su- dre interprétait à son tour. Deux rapports, très-favorables à l’invention , ont déjà été faits par deux commissions nommées par les ministres de la Guerre et de la Marine française , afin d’examiner les avantages que l’on pouvait en retirer, en temps de paix ou en temps de guerre. Un autre rapport, adressé dans le même but à l’Académie des beaux-arts, par des rappor- teurs spéciaux pris dans son sein et un autre fait à l’institut
— 64 — royal de France, par les cinq Académies qui le composent, sont autant d’honorables témoignages rendus au génie de M. Sudre. L1TERARY GAZETTE. ii Juillet i835. ♦ MUSIQUE ET LANGUE MUSICALE UNIVERSELLE. La grande nouvelle du joui’ est la séance où M. Sudre a ex- pliqué son langage musical universel , dont il se dit l’inven- teur. Pour qui n’a vu ni entendu ce système mis en pratique, il nous faudrait un long article, afin d’en donner une idée suf- fisante. En recommandant à nos lecteurs d’aller juger par eux- mêmes cette invention aux prochaines séances que donnera M. Sudre, il nous suffira de fixer leur attention sur quelques points. La praticabilité et les avantages importans que présente la té- léphonie de M. Sudre sont appuyés sur plusieurs rapports offi- ciels, signés par un grand nombre de noms hautement estimés en France, dans la science et dans les arts. ( Le journal cite ici le premier rapport fait à l’Académie des beaux-arts. Voir page 3. ) Un rapport du ministre de la Guerre vient à l’appui et ajoute les anecdotes suivantes : ( Voir page 8. ) Dansle rapport du ministre de la Guerre on lit (voir page 9). Et I’Institut royal, parlant de la téléphonie qui fut soumise à son examen , et que M. Sudre a perfectionnée depuis , s’ex- prime ainsi : (Z^oir page 18.) Nous nous contenterons de faire le précis des expériences faites mercredi dernier. Une phrase remise à M. Sudre était communiquée par lui à un enfant, placé à trente pas de lui, au moyen de sons musicaux, et par la voix en articulant les sept notes, re, mi, fa, sol. la , si, do. Le tout offrait un spec- tacle des plus attrayans et des plus intéressans, et nous avons la confiance de voir ce système encore plus développé par son ingénieux inventeur. YORK CHRONICLE. ’ io Septembre 1835. Nous annonçâmes la semaine dernière que M. Sudre était arrivé à York dans l’intention de donner des séances sur la
— 65 — langue musicale, dont il est l’inventeur, et par laquelle il peut faire communiquer plusieurs personnes entre elles au moyen de la musique. Nous avons eu le plaisir d’assister à ses expé- riences, et nous pouvons dire que jamais nous n’avons été plus étonnés. M. Sudre communique par des sons musicaux avec une personne placée dans une chambre adjacente, et cette personne écrit avec la plus grande exactitude tout ce qui lui est ainsi dicté, et dont elle ne peut avoir la moindre idée, puisque ce que M. Sudre lui annonce par Finterprétation mu- sicale est toujours la pensée spontanée de quelque personne présente à la séance, et que l’on communique par écrit à M. Sudre. Nous avons plus d’une fois entendu dire des violo- nistes qu’ils font parler leur instrument ; mais voilà certaine- ment la première fois que nous avons trouvé dans cet instru- ment une musique si éloquente et si intelligible ! 11 est impos- sible de donner une idée complète et satisfaisante du système de M. Sudre. Il est unique en tout, et doit être le résultat de bien des années d’étude et d’application. Nous faisons des vœux sincères pour que M. Sudre soit récompensé des pénibles veilles qu’il doit avoir passées à ce travail. S’il l’étend à une utilité pratique , il sera de la plus grande importance. Lundi soir, M. Sudre a eu l’honneur de donner une séance au palais , en présence de LL. AA. RR. la duchesse de Kent et la princesse Victoria et des convives distingués de Monseigneur l’archevêque d’York ; tous furent aussi charmés qu’étonnés du merveilleux résultat du génie et du talent de M. Sudre, pour qui toute la société eut les plus flatteuses attentions, particulièrement M. Lowther, membre du parle- ment, à la demande duquel le patronage de LL. AA. RR. la duchesse et la princesse, et de sa grâce Monseigneur l’arche- vêque a été accordé au savant étranger. TIMES. Londres, 17 Décembre 1835. LANGUE MUSICALE. M. Sudre, inventeur de la langue musicale , a eu l’honneur d’expliquer son système devant LL. MM. et une nombreuse société, le 8 du courant, au pavillon à Brighton. M. Sudre prononça un discours préliminaire relativement aux applica- tions de sa méthode, après lequel la reine lui donna par écrit la phrase suivante : « Je fous souhaite succès. » 5
— 66 — M. Sudre , à l’aide de son violon , transmit la sentence à son élève qui était dans un salon voisin, et qui la répéta immédia- tement , au grand étonnement de LL. MM. et de toute la cour. La reine continua d’écrire les phrases suivantes : « Je suis surprise ; » « Cette invention vous fait beaucoup d'honneur. » Elles furent aussitôt répétées par l’élève avec autant de promptitude que de précision. M. Sudre démontra ensuite la possibilité de faire communi- quer entre eux les aveugles et les sourds-muets. Pour parve- nir à cela , il fit entrer son élève , les yeux bandés , et alors la reine écrivit cette sentence : « Cela doit être plus difficile. » Quand M. Sudre proposa de communiquer la pensée , à l’aide des sept monosyllabes de la musique, articulées comme les syllabes de toute autre langue , la reine écrivit une sentence qui était probablement adressée à l’élève : « Est-ce que vous comprenez bien ? » LL. MM. exprimèrent à M. Sudre la satisfaction que leur avait procurée cette intéressante découverte. M. Sudre ne put s’empêcher de faire observer combien il était étonné de la facilité avec laquelle la reine avait compris l’application de sa méthode. (Journaux du soir.) Cette relation est aussi curieuse qu’amusante, surtout l’é- tonnement que témoigna M. Sudre de la promptitude avec laquelle la reine comprit l’application de sa méthode. M. Sudre paraît avoir cultivé le langage des cours aussi bien que celui de la musique. Cette anecdote nous rappelle un exemple de la flatterie française, que donna la célèbre actrice Mlle Bourgoin, à l’égard de George IV. Cette dame eut l’honneur de dîner avec, une très-petite société à Carlston-House , où le roi, poux* faire honneur à sa convive, parla toujours en français , langue qu’il parlait avec beaucoup de facilité et de précision. Un noble convive ayant demandé à cette dame si S. M. ne parlait pas très-bien le français, elle s’écria , avec un étonnement aussi flatteur que celui que M. Sudre manifesta au sujet de la reine : Quoi ! est-il possible que S. M, ait jamais parlé d'autre langue ? (Note du rédacteur. ) REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS. Dimanche 27 Décembre i835. LA LANGUE MUSICALE A LA COUR D’ANGLETERRE. On sait queM. Sudre, l’inventeur de la langue musicale , a, depuis quelques mois, passé le détroit, accompagné d’un élève ,
—* 67 — Ite jeune Godard, et qu’il est allé voir si l’Angleterre, chez la- quelle l’étude des langues étrangères a toujours prospéré , dai- gnerait accorder à la langue des sons et des notes quelques instans d’une légitime et généreuse attention. L’artiste ne s’é- tait pas trompé en comptant sur l’intelligence et l’estime bri- tanniques: Londres l’a fort bien accueilli, lui et son élève ; son idiome a retenti de salon en salon. Notez que M. Sudre ne sa- vait pas un mot d’anglais en quittant la France , mais à quoi servirait d’avoir trouvé la langue universelle s’il fallait encore apprendre celle de chaque peuple qu’on va visiter? La preuve que M. Sudre n’avait nullement besoin d’études préalables pour se faire comprendre de nos voisins, c’est qu'il en a été parfaitement compris, c’est que de salon en salon il ache- miné glorieusement jusqu’au salon monarchique, où siégeaient LL. MM. Guillaume IV et la reine Amélie , entourés de toutes les grandeurs , dignités et illustrations qu’à tel local il appartient de réunir. C’était le mardi 8 décembre dernier : la cour se trouvait à Brighton, dans ce pavillon fantastique, et non moins chinois au dedans qu’au dehors , l’étonnement de qui- conque n’a vu que le magasin de la porte chinoise , et les bou- doirs ornés de meubles en laque, en bois de cyprès ou de lau- rier , décorés de vases en jaspe , en ivoire , avec des dragons gigantesques au plafond, et des lustres en fleur de lotus , que récèlent chez nous quelques hôtels aristocratiques. Quand M. Sudre fut introduit au milieu d’une foule cha- marrée de cordons bleus et rouges , de crachats, deux tables de jeu se virent soudainement délaissées. L’artiste, placé à qua- tre ou cinq] pas de LL. MM. , leur adressa un petit dis- cours avec autorisation souveraine , mais non sans une émotion et un trémolo de circonstance. Cela fait, il se retira derrière une table garnie de plumes , d’encre , et apportée à son inten- tion. L’épreuve commença par l’entremise du chambellan de service. La reine écrivit de sa gracieuse main cette première phrase toute obligeante : Je vous souhaite succès ! Le violon la transmit à l’élève , placé dans un salon voisin , et l’élève la traduisit immédiatement : un murmure flatteur circula dans là noble assemblée , dont les doutes venaient d’être dissipés. Aussitôt la reine écrivit cette seconde phrase , encore plus obligeante que la première : Je suis surprise ! Même dictée et même traduction que pour l’autre, même murmure appro- bateur. La reine écrivit alors cette troisième phrase, où l’obli- geance va crescendo : Cette invention vous fait grand honneur ! Puis vint à la suite une collection de phrases , soit anglaises , soit allemandes , toujours dictées et traduites avec le même bonheur. Pour démontrer la possibilité de faire communiquer un
— 68 — aveugle avec un sourd-muet, l’élève apparut dans le salon les yeux bandés, et la reine envoya au maître cette phrase qui sans doute lui était adressée : Est-ce que vous comprenez bien ? Ensuite M. Sudre proposa l’expérience qui consiste à commu- niquer la pensée, au moyen des sept monosyllabes, do , ré , mi , fa , sol, la , si, articulés comme les syllabes de toute au- tre langue. La reine eut encore l’extrême bonté d’écrire la phrase sui- vante : Cela doit être plus difficile. Le roi lui demandait de temps en temps des explications sur la méthode de l’artiste , qui plusieurs fois dut attendre que la reine eût achevé d’indi» quer par ses doigts comment se parlait la langue muette , et le Roi paraissait prendre beaucoup d’intérêt à l’invention ainsi qu’à l’inventeur. Cette royale séance , à laquelle assistaient le prince Ernest, LE PRINCE DE CAMBRIDGE, LE PRINCE DE IIeSSE-PhILIPSTHAL, et beaucoup d’autres personnes notables , dura plus d’une heure un quart. Le chambellan de service eut mission expresse de témoigner à l’artiste la satisfaction qu’avaient éprouvée LL. MM. et principautés. L’artiste se retira, emportant pré- cieusement les autographes tracés de la main de la reine, et nul doute que ce ne sera pas là le seul prix dont la munifi- cence britannique gratifiera les efforts heureux de l’artiste français. Puisse sa patrie , piquée au jeu par l’exemple, faire aussi pour lui quelque chose ! Puisse la France ne pas rester en arrière de la Grande-Bretagne ! cg» CONCLUSION. Paris , le 6 Octobre i836. D’après tous les détails qu’on vient de lire sur cette décou- verte et sur ses différentes applications, on ne doutera point, surtout d’après l’opinion exprimée par les différentes commis- sions, que ce télégraphe musical ne puisse être employé utile- ment à la guerre, à la marine, ainsi que pour faciliter des communications lointaines dans des circonstances où rien ne saurait suppléer à son emploi. L’auteur a pensé qu’au sujet des événemens qui viennent de se passer à Strasbourg et dont le télégraphe n’a pu donner une entière connaissance au gouvernement à cause du brouil- lard , on ne lirait pas sans intérêt la comparaison que l’Acadé- mie fait, dans son rapport, sur les deux systèmes de communi- cation , c’est-à-dire au moyen de la vue ou bien par I’ouie.
Elle s’exprime ainsi : «...............Nous avons déjà touché l’avantage qui re- » suite de la plus grande intensité de sons dont les instrumens » de musique sont susceptibles, et qui n’a de bornes que dans » l’invention des artistes ; car la nature, à cet égard, n’iin- » pose , pour ainsi dire , pas de limites , comme l’a prouvé un » des physiciens les plus distingués des temps modernes qui » agrandit tous les jours le domaine de l’acoustique ; et c’est » en vain que , pour remplacer la langue musicale , on cher- » cherait à remplacer la eoz'.r humaine par un instrument » comme on l’a fait en se servant du porte-voix. » Et ; ce qu’il y a de remarquable, c’est que non seulement » cette supériorité existe dans leur état actuel, mais aussi » qu’elle est acquise dans l’éventualité de leur perfectionne- » ment respectif ; avantage qui est bien digne de fixer votre »> attention en faveur d’une des applications du système de » M. Sudre, d’autant plus que vous entrevoyez déjà un des » usages auquel on peut le destiner et qui aurait une grande » utilité. » Pour abréger, il faut d’abord comparer le système de » M. Sudre à ce qu’il y a de plus parfait dans les autres mé- » thodes , c’est-à-dire la télégraphie telle qu elle a été in- » ventée par Chappe. » Pour désigner l’emploi analogue de la langue musicale , » il faut un nom analogue ; c’est ce que présente le mot télé- » phonie , son qui s’entend au loin; comme télégraphie dé- » signe Y écriture qui se voit de loin. » Comme ces deux arts s’adressent à des sens différons , leur » puissance sera nécessairement caractérisée et limitée par la » nature de ces sens , des milieux qui les affectent et des con- » ditions dans lesquelles on se sert de ces deux modes de com- » munication. » D’abord, la vue et I’ouie diffèrent beaucoup dans l’état » ordinaire des choses par leur portée ; la sphère d’action de la » vue est incomparablement plus grande, et quoiqu’elle ait » réellement des bornes, son étendue paraît infinie, parce » qu’elle perçoit à des distances qu’on ne saurait mesurer. » L’ouie a donc , à cet égard , une infériorité incontestable « à laquelle aucun artifice ne saurait remédier. Car si l’on » cherche , par les moyens de l’art, à remédier à la faiblesse » de I’ouie , une plus grande inégalité encore s’établira entre » les deux sens, si l’un et l’autre usent de toutes les ressources » des sciences qui les concernent. » Que si l’on compare la lumière et le son sous le rapport « de la vitesse de leur propagation , la supériorité de la vue » est également prononcée ; car les différences de vitesse ,
» quoiqu’elles puissent être exprimées par' des nombres , sont » telles qu’elles passent les bornes de notre imagination. » D’ailleurs la vue a un grand avantage, c’est que la multi- » plicité des impressions simultanées n’en trouble point la » fonction, comme il arrive à I’oüie qui tend à devenir con- » fuse lorsqu’il y a transmission , dans un même temps , d’une » variété de sons, surtout de ceux qu’on appelle bruits, et nous » ne parlons pas ici de leur intensité. » Enfin, les différences de figures et de couleurs sont plus >• facilement perçues que des différences de tons, par la plupart » des hommes. » Ainsi, toutes les fois que la vue peut jouir de tous ses » avantages, la télégraphie doit l’emporter sans comparaison » sur la téléphonie. Ces conditions sont celles où l’espace est » parfaitement libre, c’est-à-dire sur les hauteurs, en em- » ployant des machines dont la figure , la grandeur, les couleurs » et la mobilité, permettent la vision à distance et la multipli- » cité des signes. » Mais si la télégraphie descend dans la plaine , elle perd ,. » avec la hauteur, tous ses avantages. » En s’abaissant, la courbure de la terre , en la supposant » unie, intercepte bientôt les rayons de lumière et rend les » signes invisibles. Mais il y a bien d’autres difficultés ; car » une plaine, à moins qu’elle ne soit inculte, doit à chaque » instant et à de petites distances, intercepter la vision. » Quand même la plaine serait dénuée de végétation, l’iné- » galité, qui en est la condition ordinaire, y met également » obstacle, de sorte qu’il faut nécessairement qu’on s’élève de » nouveau afin de ressaisir l’avantage, et on ne reprend la » supériorité qu’en réun issant toutes les précautions nécessaires » pour l’établissement des télégraphes , c’est-à-dire que tout » soit prémédité, essayé et réglé d’avance et à loisir ; c’est-à- » dire que l’emploi du télégraphe ne saurait être ordinaire-* » ment improvisé , et qu’il est absolument impossible dans une » foule de situations et de temps. » C’est donc à poste fixe et sur des lignes déterminées et pré- » établies, que la télégraphie l’emporte sur toute autre mé- » thode. » Voyons maintenant si la téléphonie est praticable avec » avantage dans la plaine, ou, en général, dans les circon- » stances tant usuelles qu’imprévues. » Or, la courbure de la terre, dans une plaine, n’empêchera » pas le son d’être perçu toutes les fois qu’il aura l’intensité » nécessaire. « Il en serait de même des bois , des forêts, des inégalités » de terrain, et même des montagnes, pourvu qu’elles ne s’i-
» dentifient pas trop en hauteur et en largeur ; car le son fran- » chit les barrières qui ne sont pas trop élevées , et tournerait « celles qui auraient une hauteur infinie, pourvu qu’elles ne » fussent pas trop étendues en longueur. » La proximité de la terre , loin de nuire à la propagation » du son est au contraire une condition qui la favorise. » Elle a lieu dans la clarté comme dans les ténèbres, quelle » que soit la transparence oui’opacité. » La téléphonie peut donc se pratiquer sur terre dans » presque tous les lieux ; dans les alternatives du jour et de la » nuit, sans changer de méthode, et mieux encore la nuit à » cause du plus grand silence qui règne alors sur terre, lorsque » l’air est pur ou lorsqu’il est rendu trouble par des brouil- » LARDS ÉPAIS. » Ainsi, ni la diversité des lieux, ni les vicissitudes régulières » du temps n’empêchent pas l’usage de la téléphonie sur terre ; » une seule circonstance accidentelle peut la rendre inutile : un » bruit trop fort et continu ; car le vent, qui en diminue la » portée , ne l’annule pas, lors même qu’il souffle dans une » direction absolument contraire. » Cette généralité d’applications acquiert une nouvelle va- » leur lorsque l’on considérera que l’instrument est le plus » simple et le plus portatif possible ; qu’il est toujours présent » dans les circonstances où l’on aurait le plus d’intérêt à s’en » servir , et que celui qui s’en sert pour d’autres usages apprend » facilement à s’en servir pour celui-ci , conditions qui sont de » la plus haute importance pour toute application pratique. » Ainsi, sur terre, la télégraphie l’emporte dans une di- » rection de lignes fixes et préétablies sur des hauteurs. » La téléphonie , dans toutes les situations où l’on n’a ni le » temps de choisir les lieux , ni l’alternative du choix , etc. » Extrait du même rapport que celui publié dans le Moniteur universel du ii mars i835 ( Voyez pages 18, ig, 20,21,22 et 23.) L’auteur, dans ses voyages, a rencontré un ingénieur-mé- canicien qui a trouvé le moyen de confectionner un instrument, dont les sons pourraient se distinguer à deux ou trois lieues de distance. Dans l’article cité par le Times , journal anglais, page 56 , on a vu que le factionnaire de Windsor avait entendu la cloche de Saint Paul de Londres , sonner minuit ; et pourtant il y a 21 milles de Londres à Windsor, c’est-à-dire 7 lieues de France. Au surplus , la télégraphie et la téléphonie , quoique fonc- tionnant par des moyens différens, peuvent néanmoins s’aider dans des cas urgens, attendu que les douze signes télégraphi- ques que l’auteur emploie pour communiquer au loin, peu- vent s’exprimer par douze signaux acoustiques, et vice versa ; et
— 72 — lorsque dans une localité le brouillard intercepte la vision , la téléphonie peut alors indiquer au poste télégraphique le plus voisin, les signes nécessaires pour que l’expédition de la dépêche ne soit nullement interrompue. ( Voir l’article du Temps , page 28. ) L’Académie , dans les conclusions de son rapport, a si bien apprécié les services que pouvait rendre la méthode télépho- nique , qu’elle a déclaré : « qu’elle complète les moyens » DE COMMUNIQUER RAPIDEMENT AU LOIN, et que, RENDANT » AINSI SERVICE A L’ÉTAT, ELLE AJOUTE A l’hONNEUR DU » PAYS qui a inventé les deux procédés, et qu’en conséquence » elle recommande VIVEMENT son auteur au gouverne- » ment. » Signé MM. de Prony , Tissot, Cte de Laborde, Raoul Rochette, de Freycinet, Edwards, Chérubini, Lesueur, Bertot, Boieldieu , Aubert etPAER. De Freycinet et Edwards, rapporteurs. moniteur universel. Extrait du 11 Septembre i836. M. Sudre , inventeur de la langue musicale, est de retour de son voyage d’Angleterre , où il a séjourné pendant dix-huit mois environ. Il a été accueilli avec beaucoup de distinction par les savans de ce pays ; non seulement sa méthode a été patronisée par LL. AA. RR. le duc de Sussex, linguiste renommé, et pré- sident de la Société royale de Londres, la duchesse de Kent, la princesse Victoria, l’archevêque d’York , plusieurs membres du parlement, etc. ; mais encore LL. MM. le Roi et la Reine d’Angleterre ont désiré qu’il donnât une séance dans leur pa- lais , en présence de toute leur cour. La presse anglaise a été d’un avis unanime sur le mérite comme sur l’utilité de cette invention, et plusieurs journaux ont publié les rapports faits par nos Académies. I mprimerie de Ve DONDEY-DUPRÉ, rue Saint-Louis, n° 46, au Marais.